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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 16:26

Seconde partie de l'étude de Daniel Lérault. La première partie est ici.


C’était la mode à la « Belle époque des revues littéraires » de plagier et de dénoncer les plagiats, on en remplissait des pages. Je cite pour exemple d’affaire, en cette année 1912, celle produite dans la piquante revue Les Guêpes que dirigeait Jean-Marc Bernard (8). Ce dernier accusa Sylvain Bonmariage (9) d’avoir plagié vingt-six lignes lui appartenant et qu’il était coutumier du fait (10). C’était sans doute vrai, mais que de pantalonnades… Bonmariage était un jeune admirateur « zélé » d’Han Ryner et tous deux avaient vu paraître un de leurs textes dans la revue mais il n’y eut pas de suite Les Guêpes étant de l’autre bord que Les Loups

La Paix, toute relative, revenue, on remit le débat sur la table et Marcello-Fabri fonda en 1919 La Revue de l’Époque dans laquelle il publie une grande enquête (11) « Du plagiat considéré comme un des beaux-arts » où l’on posait les questions : « Quel stratagème emploierez-vous pour lancer votre futur ouvrage ? Feindrez-vous le plagiat ou plagierez-vous réellement ? Où si vous répugnez à ces artifices, dites-nous ce que vous en pensez… » Une cinquantaine de littérateurs répondirent mais il manquait la réponse de Pierre Benoît le principal intéressé… On lira les réponses d’Han Ryner, de Florian-Parmentier… et je m’arrête à celle d’Octave Béliard non parce que la plus longue mais parce qu’elle « exprime d’intéressantes idées, beaucoup moins paradoxales qu’elles ne paraissent ». Le bon docteur Béliard professe en effet les mêmes idées qu’Han Ryner et résume son opinion : il n’y a pas de plagiaires. Il définit le plagiaire : « c’est un écrivain qui en vole un autre. Mais qu’est-ce qu’un écrivain peut voler à un écrivain ? Rien […] que ce qui est la propriété de cet écrivain : non pas les idées – les idées sont un fonds commun – mais seulement un mode personnel d’expression. En d’autres termes on ne saurait voler le sujet d’une œuvre, mais l’œuvre elle-même, parce que l’œuvre est à celui qui l’a faite, tandis que le sujet est à tout le monde. » Beliard regrette la vraie critique et s’en prend à celle improvisée des annonceurs qui ne recherchent dans un livre que ce qui s’y est glissé d’étranger et délaissent le visage ou restent indifférents au message de l’auteur. Enfin, il cite Virgile, Shakespeare, La Fontaine, Corneille, Racine, Molière, Diderot, « …ceux qui, pour employer le mot plagiat dans l’acception abusive où nous avons le tort de le prendre aujourd’hui, seraient d’illustres plagiaires. »

Cette enquête de La Revue de l’Époque « avait pour but de prévenir ce qui eut pu devenir une tentation et un danger pour les jeunes »…

Je lis, dans L’Âme Gauloise du 18 février 1923, un article de Jacques Faneuse :

Il vient de paraître dans une bonne revue régionaliste une lettre toute de finesse, d’esprit et d’ironie, comme seul Han Ryner pouvait l’écrire. Elle met, une fois de plus la question des plagiats au point, en démontrant qu’une similitude de titres, même complète, ne cause nullement un tort réciproque aux auteurs qui l’ont conçu, la personnalité du style et même de l’idée restant pleinement la propriété inimitable de l’écrivain.

La bonne revue c’est La Mouette, « revue idéaliste de littérature et d’art », de Julien Guillemard, parue de 1917 à 1926. Dans le numéro de février 1923, sous l’intitulé "Sans nom", Guillemard produit une lettre [voir ici], de son ami Ryner qui a rebondit au sujet d’une note concernant son roman Le Yacht sans nom. Les Sans nom ont une résonnance de noms biens réels : Barbey-d’Aurevilly « Une histoire sans nom », Maurice Level, pour « L’Ile sans nom » qu’il vient de publier, « L’Homme sans nom » de Ballanche… Ryner ajoute : « une similitude partielle de titre, même lorsque la rencontre me rapproche d’un écrivain que je méprise, ne m’a jamais troublé : Un de mes premiers romans s’appelle L’Humeur Inquiète et Paul Bourget a publié des vers sous le titre La Vie Inquiète. […] Le fameux père Enfantin a publié un petit livre qui s’appelle La Vie Eternelle. Je vais publier un roman qui s’appellera La Vie Eternelle. »

Le livre paraît le 9 janvier 1927 chez Radot et le docteur Béliard, évoqué plus haut, en rend compte dans Le Journal du Peuple du 28 mai. Je le cite car le document n’est pas facile d’accès :

En 1908 – il y a exactement 19 ans – deux jeunes gens dont l’un s’appelait Léo Gaubert, l’autre Octave Béliard, éditait à l’usage d’un public restreint, un livre de philosophie occulte auquel ils avaient travaillé ensemble durant cinq ans et dont le titre était Le Périple. On y pouvait lire, à la page 13, le passage suivant :

« Un enfant naissant est la vieillesse de sa lignée. Il porte sur le visage des stigmates de décrépitude, en lui des vestiges d’organes anciens, des ruines. C’est un vieil animal ; ses orteils se sont atrophiés par un trop long repos, ses plantes durcies, ses oreilles recroquevillées. Il est quelque chose de vénérable, d’adapté, de mille fois transformé au cours de la vie des espèces que sa propre vie résume. Sa pensée, comme un livre mille fois feuilleté, a des plis et des signets : les instincts. Il arrive au monde, bardé de ruse, armé de l’expérience des ancêtres… » etc.

En cette année 1927, il a paru un livre d’Han Ryner, La Vie Eternelle. On y lit (page 243) : « Nouveau pour les ignorants, le petit être est un si vieil animal. Cette vie éternelle a usé tous les réceptacles intérieurs, a usé jusqu’à notre forme. Que de signes de décrépitude, depuis ces orteils atrophiés au long repos dans les ténèbres, jusqu’à ce crâne froissé et ces oreilles recroquevillées… Pauvre enfant, chose neuve aux yeux naïfs, comme tu es désolant et vénérable. C’est presque écrasé que tu portes, sur le poids résumé de tant d’espèces, le fardeau condensé de tant d’incarnations humaines. Livre mille fois feuilleté, ton petit cerveau est plein de plis et de signets… » etc.

J’ai défini un jour pour moi-même Han Ryner : une éloquence servie par une merveilleuse mémoire. […] La Vie Eternelle compte 260 pages… De qui sont les 259 autres ?

[…] Et c’est encore pour contenter un besoin de justice qu’en ce dernier livre obscur et sans unité de ton, il embrasse la théorie hypothétique de la continuité de la vie dans la série des épreuves, et, sans être initié ni théosophe, flirte avec l’Initiation et la Théosophie.

Que vous m’êtes sympathique, cher vieux geai !

Han Ryner une nouvelle fois confondu de plagiat ! Il répond à Béliard le 30 mai, lettre publiée le 4 juin dans Le Journal du Peuple. J’extrais de la polémique :

De qui sont les 259 autres pages… Je le sais quelquefois… Une seule chose m’importe : avec ce que je crée, ce que je crois créer et ce que j’emprunte consciemment, je m’efforce de former un tout inédit et une harmonie un peu nouvelle.

Quand vous m’appelez « cher vieux geai » et si je vous appelais « sympathique jeune paon » à qui êtes-vous et à qui serais-je redevable ? A La Fontaine, probablement. Et lui ? A Phèdre ou à Esope ? Les documents ne permettent pas de remonter plus haut, mais, peut-être Esope était déjà un « cher vieux geai ».

Dès que mon imitation n’est pas un esclavage, je suis content. Je veux dire si ce qui me vient d’autrui me sert au lieu de me nuire. Question d’espèces. L’idée de la vieillesse de l’enfant et quelques détails qu’elle appelle nécessairement, je crois avoir bien fait de vous les prendre, puisque transportés dans un tout autre milieu et qui exige un accent différent, ils ne détonnent pas. […] Matériellement nous vivons tous les uns des autres. Et les plus originaux, ayant plus à dire, empruntent nécessairement, plus que les autres, moyens d’expression et détails expressifs. Je ne parle pas uniquement des classiques, qui avouent aussi délibérément que moi, mais on ne connaît pas encore, par exemple, tous les emprunts de Victor Hugo. Il a eu bien raison d’utiliser tout ce qui pouvait lui servir ; bien tort de cacher, comme une honte, cette vertu et cette puissance.

[…] Je vous ai fait, sympathique jeune paon, au moins un autre emprunt, plus large et plus précieux encore que celui que vous signalez. Et que vous aviez eu raison d’emprunter à d’autres. L’éternité courbe. Cette vieille idée admirable que Nietzsche a magnifiquement « pillée » aux Stoïciens, qui la tenaient d’on ne sait quel Orient, pourquoi ne l’auriez-vous point prise chez lui, ou chez ses fournisseurs ?

Octave Béliard réplique :

Le « cher jeune paon » est une riposte excellente et qui allait de soi, mon cher Han Ryner, bien qu’à cinquante ans… Mais quant à votre justification – très habile, j’en conviens (et n’ai-je pas toujours proclamé votre habileté ?) – elle s’appuie sur une équivoque, tout comme maint plaidoyer d’avocat. Vous enfoncez une porte ouverte en disant que la circulation des idées est libre et qu’un sujet appartient à tout le monde. Nous vivons tous, assurément, sur le même fonds, et très restreint. Rien n’appartient en propre à l’écrivain que l’expression qu’il a forgée ; mais cela c’est à coup sûr son bien et quand on le lui emprunte sciemment, volontairement, on fait – je vous demande bien pardon – un plagiat. Ecrivez si bon vous semble une Iphigénie ; vous ne serez qu’un auteur de plus à ajouter au nombre de ceux qui l’ont fait. Mais copiez un seul passage de Racine, à plus forte raison si vous en changez quelques mots pour déguiser votre emprunt, vous êtes indubitablement un plagiaire. Et si celui que vous pillez est un auteur obscur, c’est plus grave, parce que vous comptez sur son obscurité pour n’être pas découvert.

Maintenant, il vous est loisible de reprendre la question de plus haut et d’écrire une justification, voire une apologie du plagiat. Toutes les idées sont défendables et vous êtes un merveilleux avocat.

Le Prince des Conteurs ne pouvait en rester là. Le 11 juin il titre, à la page des Lettres du Journal du Peuple : « Soyons jeunes ne soyons pas enfants » :

 

La jeunesse de mon ami Octave Béliard est plus admirable encore que je ne croyais. Ah ! sa façon confuse de protester : « Bien qu’à cinquante ans je ne sois plus que relativement jeune »… Chez un écrivain subtil et qui a su parfois « donner un sens plus pur aux mots de la tribu », cet argument d’officier de l’état civil n’est-il pas ce qu’on pouvait attendre, si j’ose dire, de plus inattendu et, à la fois, de plus naïvement charmant et jeune ? Quelle jeunesse encore dans cette persuasion qu’on a raison de façon si absolue que seul peut vous contredire un habile et « merveilleux avocat » ? Ce confusionnisme n’est-il pas jeune aussi qui transporte sur le plan moral une question de pure esthétique ? Puisqu’il exige que je tienne compte de son âge, je déclare dès maintenant Octave Béliard beaucoup plus jeune que son âge.

Mais ne vais-je pas découvrir qu’il est plus jeune que tous les âges ? Chez ce critique, la manière de se présenter le travail du romancier ou du poète étonne par sa puérilité. Sérieusement, Béliard, vous me voyez occupé à un « démarquage » et à « changer quelques mots pour déguiser mon emprunt » ? Et mon cas vous semble d’autant « plus grave » que, délibérément, je choisis pour le piller « un auteur obscur », comptant « sur son obscurité pour n’être pas découvert ». Je n’ai jamais lu phrases d’une plus belle enfance indignée et rougissante.

Mes façons de me cacher sont infiniment plus naïves que celles de l’autruche. J’ai compris Octave Béliard dans mon service de presse, quand il a parlé d’une mienne publication postérieure, je me suis inquiété, l’ai prié de me faire signe s’il n’avait pas reçu La Vie Eternelle. Dès que j’ai su que son exemplaire ne lui était point parvenu, je lui en ai adressé un second et, me méfiant de la poste, l’ai confié, pour plus de sûreté, aux colis parisiens. On voit quelles précautions méticuleuses je prenais « pour n’être pas découvert ».

Octave Béliard me croira-t-il – s’il ne me croit pas, tant pis pour lui – si je lui explique que je n’avais sous les yeux, quand je le pillais, ni son livre, ni aucune note prise dans son livre. Oh ! je savais parfaitement d’où venait l’idée que j’exprimais. Il y avait souvenir, non simple réminiscence. Mais tout entier à l’application de l’harmoniser à mon contexte, je ne me préoccupais ni de démarquer ni de citer fidèlement.

La page de La Vie Eternelle supprime-t-elle la page du Périple ? Est-ce sur une page qu’on jugera l’un ou l’autre livre ? Quels enfantillages ! Faisons Octave Béliard et moi plus enfants que l’enfance. Incapables de songer à l’harmonie réalisée ou manquée, à la différence même des deux harmonies tentées, voici que nous accordons un prix énorme à la priorité. Eh bien ! où est mon crime ? Mon livre n’est-il pas daté deux fois : par le copyright et à l’adresse de l’imprimeur.

Ce n’est plus de l’idée qu’Octave Béliard réclame la propriété exclusive. Mais si, à exprimer la même idée, j’ai le malheur d’employer quelques mots semblables, je suis « un plagiaire », c’est-à-dire, sans doute, un voleur. Octave Béliard daigne m’accorder le droit de faire une Iphigénie après Racine. Mais « copiez un seul passage de Racine, à plus forte raison si vous en changez quelques mots pour déguiser votre emprunt, vous êtes indubitablement un plagiaire ».

Octave Béliard, vous qui êtes un lettré, comment avez-vous pu écrire ces lignes si jeunes sans vous demander quels hommes supérieurs vous attachiez à votre naïf pilori de brume ? Nul ne comptera combien les tragédies de Voltaire ou la prose d’Anatole France copient de passage de Racine. Or l’un et l’autre changent presque toujours quelques mots. Non point pour déguiser des emprunts, dont je les soupçonne d’être fiers, mais pour obéir aux nécessités de leur thème ou pour céder à une autre pente personnelle.

Rajeuni d’indignation, Octave Béliard va-t-il crier : « Au voleur » derrière Voltaire et Anatole France ? Qu’il se prépare à poursuivre de même tous les grands écrivains auxquels nous connaissons des prédécesseurs. Il m’en voudrait de lui rappeler les nobles pillages de Molière dans Cyrano de Bergerac ou de Virgile dans Ennius.

Je n’ai pas de Virgile sous la main et le vers d’Ennius m’empêche de retrouver le vers de l’Énéide ; je ne sais plus par quelles syllabes heureuses Virgile remplace l’onomatopée taratantara, mais tout le reste du vers est semblable :

At tuba terribili sonitu taratantara dixit.

Comme la trompette du vieux poète, Octave Béliard s’amuse à me crier aux oreilles un taratantara que sa jeunesse, sans doute, croit terrible.

L’imprudent ! Le voici condamné à avouer une erreur – ce qui est toujours noble mais n’est peut-être pas jeune – ou à condamner Virgile, Molière, Lamartine (O temps, suspend ton vol, est, il le sait, d’Antoine Léonard Thomas) et cent autres qui nous valent bien. S’il se résignait à ce dernier parti, j’aimerais mieux rester coupable à ses yeux avec tant de grands hommes que devenir, de la façon à quoi il consentirait alors, un innocent.

A lire l’un et l’autre on se croirait revenu dix ans en arrière les arguments de l’attaque et de la défense restant, à peu de chose près les mêmes. Quant à Octave Béliard on ne comprend pas bien son intervention lors même qu’il avait pris une position, dans La Revue de l’Époque, assez proche de celle d’Han Ryner. Sauf que là il y avait un cas concret et c’était lui-même le plagié : orgueil, vanité, enfantillages…

Ils le comprirent et tous deux restèrent de bons amis.

 

Allez, assez plagié pour aujourd’hui,
Puisse-t-il jaillir demain quelque lueur !

Daniel Lérault


(8) Jean-Marc Bernard (1881-1915). Il fonde Les Guêpes, revue maurassienne, en 1909 avec Raoul Monier. Il publiera un article critique, en février 1911, « En marge de deux livres de Han Ryner » auquel Ryner répondra dans le n° 2, 1911, de La Forge, « Soliloque ». J.-M. Bernard meurt au front en juillet 1915.

(9)Sylvain Bonmariage (1887-1966). Auteur prolixe, mémorialiste : La Messe des Oiseaux, Le Sang des Pharisiens etc. On lira son portrait d’Han Ryner dans Les Tablettes d’Alcibiade, son témoignage sur l’élection du Prince des Conteurs dans les Cahiers des Amis de Han Ryner n° 48, 1958.

(10)Les Guêpes, n° 30, janvier 1912, pp. 6-14

(11) La Revue de l’Époque, n° 22, décembre 1921 et n° 23, janvier 1922.

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 16:05

Daniel Lérault m'a fait parvenir il y a déjà quelques temps cette étude faisant suite à la parution l'an dernier d'un numéro de Scripsi, bulletin des Amateurs de Remy de Gourmont, consacré à la taupe et faisant état d'un possible plagiat de Gourmont par Ryner. Des éléments concernant cette affaire sont lisibles ici.


D’un plagiat l’autre

A Christian Buat

Enfantillages que ces histoires de plagiats et plagiaires mais enfantillages éternels que Scripsi n° 12, cent ans après exhume. Ainsi resurgit "Le Viol souterrain", l’amour taupinier – elle est en foncé ‒, le vol intellectuel – tache de sang –, et les noms, entre autres, de Pergaud, Ryner, Gourmont… Christian Buat a eu bien du mérite et bien raison de rassembler ces textes noirs car la vie est bien noire parfois aux terriens et à la gent animale, car nous sommes ici en pleine « comédie humaine » et c’est cela seul qui reste intéressant, au-delà du vanité des vanités… d’une triste affaire plagiaire parmi tant d’autres !

Je poursuis l’enquête de Christian Buat qu’il faut avoir lu au préalable attentivement. Les lettres que je publie sont inédites (Archives Han Ryner), elles se situent entre la fin mai et le 13 juin juste avant la parution des derniers articles de Wachthausen et Ryner dans Les Horizons du 20 juin, reproduits dans Scripsi pp. 20-22.

Chaque protagoniste, accusateur et accusé, a cherché un appui, sinon un médiateur parmi ses relations confraternelles ou amicales. Florian-Parmentier (1), qui voua toute sa vie un culte à Han Ryner, intercède en faveur de son ami auprès de Wachthausen dans le but, on l’imagine, de mettre un terme à ce genre de polémique qui, bien qu’à la mode, discrédite les littérateurs, ne passionne personne. René Wachthausen lui répond :

Paris, le 26 mai 1913
32 Rue d’Orsel

Mon cher Confrère,

J’ai reçu votre lettre avec surprise, je l’avoue, mais avec plaisir. Je lis toujours avec plaisir la lettre d’un homme courtois qui dit sa pensée. Et vous n’avez pas à vous excuser de vous mêler à ce débat puisqu’il est d’ordre littéraire.

Avant toute chose, avant de répondre même à la question que vous vous posez, je veux vous dire que mon jugement ne fut pas précipité, et surtout que je n’écrivis pas cet article dans la colère. J’enregistre votre opinion sur la bonne foi de Han Ryner (et à ce sujet je vous donnerai tout à l’heure une explication, personnelle mais plausible, à laquelle l’intéressé n’a pas songé) mais je dois vous dire que la question n’est pas là. J’ai pris l’article de H.R. publié dans les Loups, j’ai mis côte à côte deux textes et j’ai écrit : il n’y a là ni sourire, ni allusion, je ne vois que le fait de prendre un texte très pur, etc… Puis j’ai discuté ses idées sur le plagiat et vous avouerez que j’ai volontiers reconnu que sur certains points il avait, à mon sens, raison. Je ne crois pas en effet à l’absolu de la propriété, et je suis persuadé que dès que nous prenons la plume, le pinceau, dès l’instant que nous parlons, nous ne sommes pas purement nous-mêmes. Tout ce qui s’apprend nous le tenons de ceux qui nous ont devancés, et nous devons bien subir leur empreinte lorsque nous créons. Mais c’est sortir de la question, qui est encore celle-ci : Quand j’ai écrit : … Han Ryner entre deux plagiats… je ne l’insultais pas. Cette phrase unique était du domaine de la littérature. S’il se sentait attaqué, il n’en devait pas moins rester sur le terrain littéraire.

Je suis trop homme, trop dégagé de la brutalité des autres animaux terrestres pour me sentir blessé par des injures. L’habitude de m’expliquer les choses, habitude que j’ai prise depuis de longues années déjà, et la conviction que nous ne faisons rien de notre libre arbitre m’ont cuirassé contre la colère, contre la vanité des attitudes et contre la souffrance morale. Je ne me sens donc pas plus insulté par un propos injurieux que par la boue que m’envoie en passant l’autobus. Mais j’ai assez d’intelligence (il n’en faut pas beaucoup) pour les sentir, je veux dire pour m’apercevoir des intentions blessantes qu’on peut avoir à son égard, et assez de temps à perdre en attendant la mort, pour en parler. Han Ryner m’ayant vraiment injurié et m’ayant demandé de citer des textes, j’ai signalé son manque de courtoisie, j’ai cité des textes, et discuté selon sa compréhension ses idées sur le plagiat.

Ceci posé, je réponds à votre question. Non, je ne crois pas que Remy de Gourmont ait inventé la zoologie. Aussi bien, il ne s’agit pas de zoologie dans des rencontres comme celles-ci :

la terre hostile   qui perfora toutes ses aïeules
la terre ennemie   ses aïeules et les souffrances de jadis vivent-elles dans la vierge etc

Ces membres de phrases ne sont pas du domaine public. Je ne vois pas là de la documentation, c’est de la pensée, si ténue soit-elle, issue de faits documentaires. Et si R. de G. a emprunté ces pensées à un texte auquel les aurait également emprunté H.R., le plagiat de l’un n’excuse pas celui de l’autre.

Et maintenant, mon cher confrère, je vais, moi, vous donner une explication qui pourrait laver H.R. de l’accusation de plagiat, mais non de l’accusation de grossièreté que je maintiens, ni de celle de vanité que je maintiens aussi puisqu’il a accepté (je reviens encore là-dessus, direz-vous) puisqu’il a accepté un titre vain. Nous admettrons, si vous voulez, qu’autrefois H.R. aura lu le texte de R. de G. et, qu’intéressé, il l’aura noté en omettant dans sa hâte d’inscrire l’origine au bas de son papier ; puis, que le retrouvant après des années dans ses notes personnelles il l’aura de bonne foi cru de lui, et l’aura livré au public après l’avoir retouché, après avoir travaillé dessus avec fièvre. J’attendais de lui cette explication. Il ne l’a pas donnée. Il joue encore sur les mots, il veut voir comme preuve de sa bonne foi ce fait que je puis admirer un texte et mépriser l’autre, ce qui prouve, dit-il, qu’ils ne sont pas identiques. Cela est enfantin et indigne, par la subtilité, de Han Ryner. Qu’il méprise, soit, mes opinions ; mais qu’il n’ergote pas comme un écolier pris en faute.

C’est le même besoin de justice qui vous a poussé à m’écrire, mon cher confrère, qui m’a poussé à écrire en passant, sans avoir l’intention machiavélique d’aller plus loin… entre deux plagiats. Ma soif de justice a besoin pour se satisfaire d’autres sources que celles de la littérature, et la lutte des hommes pour le pain quotidien et la vie facile me prend plus que la lutte puérile des littérateurs entre eux. Cependant, je me souvenais alors d’avoir lu dans un numéro des Hommes du Jour remontant à plusieurs mois un article de Han Ryner contre un écrivain dont on peut ne pas aimer l’œuvre, mais qu’on ne peut mépriser dans cette œuvre où se trouve de belles scènes, de beaux morceaux de vie transposée comme le désire Han Ryner. Il s’agit de Brieux (2). Cet article me révolta, la cuirasse philosophique a ses défauts comme toutes les autres. Après plusieurs mois j’avais gardé l’impression d’une telle injustice, j’avais tellement ancré en moi le souvenir d’un jugement rendu du haut d’une chaire par un misérable pion toujours enfermé dans sa salle d’étude puante, et qui ne connaît pas ce qu’il juge, qui ne veut pas le connaître… L’auréole du philosophe charmant, de l’écrivain talentueux se volatilisa pour moi, et quand l’occasion se présenta d’elle-même de le juger sur un fait précis, je le fis sans hésitation, et je n’en ai aucun regret.

Pardonnez-moi, mon cher confrère, de vous donner une opinion si franche sur Han Ryner, s’il est de vos amis. Mais pouvais-je vous écrire autrement que selon mon cœur, et devais-je mentir poliment dans une réponse à une lettre où vous parliez de bonne foi ? Je conserve de cette correspondance échangée le plaisir d’avoir fait un peu votre connaissance, et je vous prie de croire à mes sentiments vraiment sympathiques.

René Wachthausen

Nous n’avons pas connaissance de la réaction de Florian-Parmentier mais la seconde lettre de Wachthausen est explicite sur les intentions de chacun :

Paris, le 28 mai 1913
32 rue d’Orsel

Mon cher Confrère,

Non, je ne vais pas publier l’explication que je vous ai donnée de la rencontre des textes Remy de Gourmont-Han Ryner. D’abord j’ai horreur d’éterniser une discussion d’un intérêt si médiocre dans une revue ne paraissant que tous les mois. Les HORIZONS publieront l’article de Han Ryner s’il croit devoir persister dans sa thèse qui me semble bien mauvaise, ou tout autre article en réponse au mien, un point, c’est tout. Ensuite, je ne vous ai donné cette explication que pour bien vous montrer que je ne suis pas de parti pris, que je n’ai aucune haine contre Han Ryner, mais mon opinion n’a pas changé, et ça m’est absolument égal qu’un malaise pèse sur les admirateurs de nos gloires françaises, ou qu’on laisse soupçonner que des écrivains au talent reconnu soient en toc. Je vous ai d’ailleurs écrit que je n’avais aucun regret d’avoir publié cet article.

En somme, je vous tendais la perche pour tirer d’embarras votre ami, car, je le répète, je n’ai aucune haine contre lui, et il m’est indifférent de ne pas avoir le dernier mot. D’ailleurs je ne la retire pas, la perche : je vous autorise à vous servir de ma lettre précédente, ou du fond de ma lettre, en me citant ou en ne me citant pas, je n’ai sincèrement aucune préférence, je considère le débat terminé pour moi. L’explication que je vous ai offerte, donnez-la comme vôtre, ou que Han Ryner s’en serve pour me réfuter, ou mettez la sur mon compte, je vous promets formellement de garder entre nous le secret de cette correspondance dans les deux premiers cas et de ne plus revenir sur cette affaire, même dans le troisième, car je pense que si Han Ryner s’en sert il aura le goût de rester vis-à-vis de moi dans le domaine littéraire, et je suis persuadé que si vous la mettez à mon compte vous ne dénaturerez pas ma pensée. J’ai la plus grande confiance dans votre bonne foi.

Je vous prie de croire, mon cher Confrère, à mes sentiments les meilleurs.

René Wachthausen [signature manuscrite, lettre dactylographiée]

En haut à gauche a été portée, par Florian-Parmentier, au crayon, la note à l’intention sans doute de Han Ryner: « Voyez ce qu’il faut faire, ou s’il y a quelque chose à faire… F.P »

Han Ryner, informé par Florian-Parmentier de ces révélations « étonnantes » écrit à René Wachthausen (transcrit d’après le brouillon de lettre conservé) :

Paris, 28 mai 1913

Monsieur,

Mon ami Fl. P., qu’un hasard heureux me fait rencontrer, me communique votre lettre. J’ai le plaisir d’y lire un certain nombre de choses plutôt détails étonnants. J’en retiens un seul. Vous aviez découvert une explication plausible de ma rencontre de quelques termes sans importance, avec R. de G. Cette explication prime « lave de l’accusation de plagiat » vous paraissait tellement certaine que vs l’attendiez de moi. Ainsi vous m’avez accusé en me croyant innocent !

Je ne me souviens pas, M., de vs avoir rencontré. Il me plait de vs supposer assez jeune pour qu’on puisse voir dans vos attaques, non une mauvaise foi volontaire, mais l’excusable étourderie d’un enfant qui, au service passionné de ce qui lui semble la justice, emploie, sans s’en apercevoir, les armes les + injustes.

Quand on croit avoir un tort à reprocher à quelqu’un on lui reproche ce tort, on ne forge pas contre lui une accusation qu’on sait fausse. « Dreyfus est juif, donc ns l’appelons traitre ‒ H.R. n’aime pas Brieux, donc je l’appelle plagiaire. »

Je ne rendrai pas public, sans nécessité absolue, de l’arme terrible que votre absence de [mots illisibles] contre vous. Si grossier et venimeux qu’il vous paraisse le « misérable pion », s’efforce, même quand il est attaqué violemment, de prot[ester] sans blesser frapper.

Marcel Millet (3), le directeur de Les Horizons, s’est mêlé à l’affaire et a pris parti pour Wachthausen malgré l’estime et l’amitié qu’il portait jusque-là à Han Ryner qui lui écrit (d’après le brouillon conservé, non daté) :

Marcel Millet

Qu’ai-je fait pour que vos sentiments aient changé à mon égard et en quoi ai-je mérité les duretés injurieuses de la note, que vous ajoutez à l’article de Wachthausen ? Voyez dans quel embarras vous me mettez. Je ne puis répondre publiquement à cette note. Qqs. mois plus tôt j’aurais indiqué que en publiant Les Am. s. ds Les Horizons, cette page inédite en librairie avaient paru seulement dans un numéro ancien et introuvable de La Phalange. Si j’ai noté sans réserve que la parabole était inédite, c’était pour vous éviter toute difficulté avec la S.G.L. [Société des Gens de Lettres] à laquelle je venais d’adhérer. Donner l’explication publiquem. serait contre cette attention. Je ne la donnerai donc pas et je vous laisse m’accuser d’avoir surpris votre bonne foi ! Mais vraiment est-ce moi qui ai désiré collaborer aux Horizons et ne vous ai-je pas donné cette page par pure complaisance ? Quelle raison aurais-je pu avoir de surprendre votre bonne foi ? Je ne vous demande rien, pas même de reconnaître intérieurem. votre tort dès aujourd’hui. Mais je vous crois assez noble pour le sentir un jour, quand vous verrez votre geste d’un peu loin.

Croyez-moi sans rancune

Marcel Millet à Han Ryner :

Dax 13 juin 1913

Han Ryner,

Je suis loin de Paris et de toutes les littératures et je vous assure que d’ici on juge les choses sans passion et sans haine.

Je tiens à vous répondre parce que je vous ai grandement estimé et parce que vos premiers livres ont laissé en moi d’inoubliables impressions. J’étais fier de vous connaître et vos bonnes lettres cordiales m’ont été précieuses. Mais vous avez des amis maladroits, des disciples trop zélés. Les histoires d’élection ont été sans noblesse, autant pour le prince des conteurs que pour le prince des poètes. Rappelez-vous de notre conversation après l’enterrement de Dierx. Rappelez-vous aussi de ma lettre au moment du bien innocent complot organisé chez Mme Fréhel. Je sais que nos idées libertaires sont communes et j’ai eu d’autant plus de peine de tout ceci. Les explications que vous me donnez ne convaincraient personne. Pourquoi confier aux Horizons une page déjà publiée sans nous avertir ? Pourquoi enfin nous offrir cette page là, si elle vous était tellement indifférente ? Vous nous estimiez donc bien peu.

Enfin nous n’aurions rien dit, car je me souvenais de votre œuvre, et de votre sympathie, je ne me souciais pas d’engager une polémique qui au fond me répugnait puisque vous étiez vous aussi, un libertaire et que nous nous tenions du même côté de la barricade. Mais vous avez ouvert les hostilités. Votre article dans Les Loups était gouailleur et venimeux. Wachthausen a eu raison de vous répondre comme il l’a fait et j’ai tenu à ajouter quelques lignes car vous avez eu tort, et d’écrire cet article, et de l’écrire dans Les Loups (car vous n’avez aucune illusion sur la propreté de cette feuille, vous me l’avez dit vous-même).

Nous insérerons votre réponse (4) et j’écris à Reuillard (5) de vous envoyer l’épreuve. Votre ami Florian-Parmentier a confirmé la série de maladresses, ne croyez pas que ces polémiques nous passionnent outre mesure. On se défend, il le faut bien, et si la petite revue que vous méprisez est devenue, avant tout, combative c’est parce qu’il y a tant à démolir avant de songer à construire ! Nous ne sommes pas des apôtres mais je préfère la sincérité, triste et brutale, à toutes les fantaisies, les subtilités, les pirouettes.

Je n’ai pas de haine pour vous, Han Ryner ‒ et j’ai plus de peine que de colère, je vous assure. Pour être un jeune homme, je n’ignore pas l’amertume de la vie. Plutôt que de nous déchirer, il y aurait tellement de beauté dans le geste fraternel ! ‒ Seulement il y a vos amis maladroits, Les Loups, votre attitude, la soif de réclame, les rancunes et les concessions… Il y a tout cela entre nous, Han Ryner, et vous n’avez peut-être pas voulu regarder au dessus de ces choses médiocres. ‒ Mon âge ne me permet pas de vous juger mais ma sincérité me forçait à agir, à laisser agir mes vrais amis.

Vous voyez que je vous réponds une bien longue lettre. La vie est si âpre et si mauvaise qu’on hésite toujours à blesser un homme et il est d’autant plus douloureux quand on a aimé cet homme, d’avoir à blâmer sa conduite.

Je vous le répète, je suis très loin de Paris et des littératures, je travaille pour gagner ma vie, et toute cette affaire me parait navrante. Mais vous avez commencé, et vos disciples ont continué.

Si vous avez eu pour moi l’amitié que vous dites, croyez bien que l’homme que je suis, qui apprend à souffrir parmi les hommes, plaint l’homme que vous êtes, qui a souffert aussi, et qui méritait l’amour de vivre.

En très profonde tristesse.

Marcel Millet

 

Pour aggraver sa volonté de rupture Marcel Millet utilisa le classique feuillet de faire-part de décès encadré de noir. On ne plaisante pas avec l’amitié, elle est viable ou pas et je note qu’après la Grande Guerre les deux âmes, celles d’Han Ryner et de Marcel Millet se réconcilièrent durablement. J’en donne pour preuve cet extrait d’une lettre (6) d’Han Ryner à Florian-Parmentier :

Paris, 28 mai 1921

[…] Marcel Millet, qui a adhéré aux Amis de Han Ryner au commencement de mai, se plaignait il y a peu de jours de n’avoir aucun avis de réception. Retard sans doute, réparé à cette heure. Sinon, ne le faites pas attendre davantage, je vous prie. C’est un homme loyal, fort capable de se tromper mais qui reconnaît ses erreurs. Et il est des rares que nous aimons pour leur tenue devant la question guerre.

A vous de cœur et d’esprit

Han Ryner

Peut-être avez-vous égaré l’adresse de Marcel Millet : Le Biou avenue de Lérins Cannes (Alpes-Maritimes)

Ajoutons l’opinion de Marcel Millet sur Florian-Parmentier :

« Un cœur loyal au-dessus des intrigues (7) »

Je ne souhaite pas conclure mais faire le point. Accusé et accusateur sont allés trop loin ; ils s’en rendent compte, le combat est vain, il faut le cesser, il dépasse le cadre littéraire; malgré des arguments plausibles, ils ne convainquent personne. Certes il est important de noter que René Wachthausen avait bien, comme intention profonde, de nuire à la carrière d’Han Ryner, la question du plagiat n’étant qu’un prétexte même si c’est sous le couvert de faire émerger sa vérité. On remarque également que sont pointés du doigt les courtisans admirateurs zélés d’Han Ryner lequel ne saura pas toujours contenir leurs débordements. Il est vrai qu’ils lui étaient aussi utiles à conquérir la notoriété qui aura trop tardé. Comme chez beaucoup de créateurs, orgueil et vanité ne sont pas exempts de son caractère, il le reconnaît.

Je veux ajouter, concernant l’écrivain, que Ryner a conservé ‒ dès la parution dans les années 1885 des premiers contes, en journaux et revues, puis des paraboles ‒, l’habitude de présenter à de nouvelles revues, quelques années plus tard, ces mêmes textes quelquefois retitrés et assez souvent retravaillés. Cela a bien été signalé par Louis Simon dans l’édition des Contes à L’Amitié par le livre (1967). Christian Buat l’aura bien remarqué lui aussi en publiant les deux versions de "Les amants souterrains", celle de La Phalange (1906) et celle dans Les Horizons (1912), plagiat ou pas ! Les obsédés du plagiat, en toute logique, s’écrieront : « Han Ryner plagie Han Ryner » ou le plagiaire plagié par lui-même !

Suite et fin ici.


(1) Sur Florian-Parmentier, voir par .

(2)Eugène Brieux, de l’Académie française… (1858-1932). Dans sa chronique « Bavardages » des Hommes du jour Han Ryner médisait souvent de l’Académie et des académiciens. Eugène Brieux avait été élu à l’Académie en 1909, succédant à Ludovic Halévy. Flax (Victor Méric) en fit un portrait dans Les Hommes du jour du 24 avril 1909, Han Ryner dans ses Bavardages du 21 mai 1910.

(3) Marcel Millet (1886-1970). Comédien-poète romancier libertaire il dirige, depuis 1912 la revue Les Horizons qui compte, parmi ses collaborateurs, Gabriel Reuillard, Marcel Martinet, Fanny Clar, Maurice Magre, Henri Strentz, Jules Romains, Georges Fourest, Gustave-Louis Tautain, Dominique Combette, Maurice Pillet, Jean-Richard Bloch, René Wachthausen, Han Ryner…

(4) Elle paraitra dans Les Horizons le 20 juin 1913 ; reproduit in Scripsi n° 12, 2013, p. 21

(5) Gabriel Reuillard (1885-1973). A partir du printemps 1913 il administre et dirige Les Horizons avec Marcel Millet. Il écrivit, en collaboration avec René Wachthausen, deux pièces de théâtre, Notre passion (1921), L’Egale (1924). Le 8 janvier 1963 il fit, sur France III, une allocution radiophonique pour le 25e anniversaire de la mort d’Han Ryner (Cf. Cahiers des Amis de Han Ryner, n° 68, mars 1963).

(6) Les archives Han Ryner recèlent les lettres de Marcel Millet à Ryner, de nombreuses lettres à Louis Simon.

(7) Franz d’Hurigny, Florian-Parmentier, Editions de la Cité spirituelle, s.d.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 18:43

VI
La Citadelle dans le Jardin

Le portrait le plus marquant de L’Individualisme dans l’Antiquité est à mon sens celui de Zénon de Cittium. Comme il est émouvant, ce petit métèque ruiné au monde, moqué des hommes, l’esprit brûlé au feu trop vif du Cynisme, et qui trouve l’apaisement et l’accomplissement dans l’harmonie qu’il se crée ! On lit à son sujet :

Vingt ans, il erra d’école en école. Nulle part ses inquiétudes ne trouvaient le repos. C’est en lui qu’il finit par découvrir le principe d’harmonie. Les matériaux qu’il emprunta aux uns et aux autres, il les fit vraiment siens par l’heureuse et nouvelle disposition qu’il leur donna (50).

Cela, dans une certaine mesure, Ryner aurait pu l’écrire pour lui-même. La tendresse particulière qu’il manifeste pour Zénon prend peut-être ici tout son sens.

Car, on l’a vu, bien qu’une certaine forme de stoïcisme constitue indéniablement le noyau de son éthique, il emprunte également des concepts et des pratiques aux autres sagesses, en particulier à l’épicurisme.

À propos de la comparaison épicurienne du cœur humain à un vase, il écrit qu’il la considère comme l’« un des chefs-d’oeuvre du symbole, une des plénitudes les plus riches que connaissent philosophie et poésie (51) ». Je suis quant à moi très tenté d’appliquer le même jugement à cette métaphore contenue dans La Sagesse qui rit, qui résume magnifiquement cette belle alliance du stoïcisme et de l’épicurisme qu’a su opérer, sans rien renier d’un combat viscéral et radical pour l’amour et contre l’injustice, ce philosophe antique du XX e siècle qui s’appelait Han Ryner :

L’épicurisme suffit aux circonstances ordinaires. Au centre du jardin, j’ai dressé l’imprenable forteresse d’Épictète. Je m’y retire seulement aux heures critiques. Mais je me souviens toujours qu’elle est là et j’entretiens le chemin qui y conduit. Grâce à elle, le jardin m’est plus doux : l’ombre de la citadelle tue les germes de crainte. Mon bonheur présent ne se corrompt de nulle appréhension (52).

C. Arnoult
2010 au mitan


Notes

(50) L’Individualisme dans l’Antiquité, p. 94 de la présente édition.

(51) Ibid., p. 77-78.

(52) La Sagesse qui rit, op. cit., p. 153.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 18:25

V
Société(s)

Dans sa « Note préliminaire » à L’Individualisme dans l’Antiquité, Han Ryner indique qu’« à deux reprises, [il a] parlé complètement devant un public populaire de cette histoire de l’Individualisme antique ». Il semble qu’une quinzaine d’années séparent ces deux occurrences.

L’Individualisme dans l’Antiquité parut en 1924 aux éditions de L’Idée Libre, dont s’occupait André Lorulot. Nous savons que le 18 novembre 1923, Ryner parla de « l’Individualisme antique et ses applications au présent » à la Maison Commune (33). Mais il est probable que la brochure était déjà écrite, ou en cours d’écriture, à ce moment. Les conférences qui auraient dû être sténographiées sont sans doute celles qu’il donna à l’« Université du Peuple » en 1920 : le 10 mai, Socrate et les sophistes ; le 17, Aristippe et Épicure ; le 31, les cyniques ; le 7 juin, les premiers stoïciens ; et le 14 juin, Épictète et le stoïcisme romain (34). Ryner ne rédigeait jamais ses causeries à l’avance. Il préparait un plan rapide et s’aidait de notes parfois nombreuses. Ces notes lui ont certainement servi pour composer la version imprimée, et il a également pu réutiliser des parties d’articles parus en périodiques (35).

Par ailleurs un prospectus de l’Université Populaire du Faubourg Saint-Antoine « La Coopération des Idées » nous apprend qu’entre novembre 1905 et juillet 1906, Ryner donnait un cycle de huit conférences sur « La Pensée individualiste chez les Anciens », ceci faisant partie d’une plus vaste Histoire de l’Individualisme qui devait se poursuivre l’année suivante (36).

En 1905, précisément, paraît le Petit manuel individualiste. Pastichant le catéchisme sous forme de questions-réponses, Ryner s’y livre à une sorte d’examen de conscience : « Il n’y a pas ici un maître qui interroge et un disciple qui répond. Il y a un individualiste qui se questionne lui-même (37). » Sous cet angle, ce Petit manuel n’est finalement rien d’autre qu’une application du « Connais-toi toi-même ».

De la dimension d’une brochure, il comprend sept courts chapitres. Le premier s’intitule : « De l’individualisme et de quelques individualistes ». Ryner donne comme exemples cardinaux d’individualistes Socrate, Épicure, Jésus et Épictète, et il cite les spécificités de chacun. Il précise cependant au deuxième chapitre (« Préparation à l’individualisme pratique »), à propos de la pensée de ces quatre personnages : « Elle pourra m’être utile. Mais je ne me représenterai jamais ces grands individualistes comme des modèles. » Et il ajoute : « Je me les représenterai comme des témoins. Et je désirerai qu’ils ne blâment point ma façon d’agir (38). »

La charge subversive du Petit manuel n’explose réellement qu’au quatrième chapitre, « De la société ». Ryner y livre, sous une forme lapidaire, un jugement extrêmement négatif sur toute société :

En fait, l’oeuvre sociale n’a aucun caractère de liberté. Les ouvriers y sont subordonnés les uns aux autres. Leurs efforts ne sont pas les gestes spontanés et harmonieux de l’amour, mais les gestes grinçants de la contrainte (39).

Il ajoute deux lignes plus loin :

Le sage considère la société comme une limite. Il se sent social comme il se sent mortel.

C’est pour cette raison qu’il se permet de critiquer l’anarchisme, alors même qu’il en est très proche – car comment qualifier autrement que d’anarchiste quelqu’un qui proclame qu’il y a deux crimes : celui de commander, celui d’obéir ?

L’anarchiste croit que le gouvernement est la limite de la liberté. Il espère, en détruisant le gouvernement, élargir la liberté. […] La vraie limite n’est pas le gouvernement, mais la société. Le gouvernement est un produit social comme un autre. On ne détruit pas un arbre en coupant l’une de ses branches (40).

Alors, que faire ? Si le sage « se défend de toute espérance », il ne se laisse pas aller pour autant à la résignation :

La société est inévitable comme la mort. Sur le plan matériel, notre puissance est faible contre de telles limites. Mais le sage détruit en lui le respect et la crainte de la société, comme il détruit en lui la crainte de la mort (41).

Dans Le Rire du sage, paru de manière posthume, mais probablement achevé dans les années 1920, Ryner se montre plus nuancé et équilibré :

[…] on a tort, à tous les points de vue, quand on oppose l’état de nature à l’état de société. Ce que l’on peut distinguer, non chronologiquement mais analytiquement, c’est la société naturelle et la société civile.

Il m’est naturel de désirer la société des autres hommes. Ce qui est artificiel, ce qui est dépravation du besoin naturel, c’est le goût de vivre dans une société hiérarchisée, d’y occuper une place définie, de n’y être pas ce que ridiculement on méprise sous le nom de « déclassé ». Ce qui est en partie artificiel et complètement détestable, c’est la lâcheté d’obéir et la brutalité de commander (42).

On retrouve à nouveau l’opposition, chère aux Antiques, de la Nature et de la Cité, des lois non écrites et des lois écrites. Il ne s’agit pas de la nature biologique ou physique : celle-ci n’est ni bonne ni mauvaise, ou plutôt, dès que le regard humain s’y attarde, elle apparaît effroyablement mêlée de bon et de mauvais. Ryner précise plus loin :

La société naturelle n’est donc, à mes yeux, ni la société primitive, ni la société future ; elle est la partie juste de toutes les sociétés. Elle est gouvernée par l’ensemble des lois non écrites auxquelles le sage obéit et qui lui rendent méprisables les lois écrites.

Sous la gangue de la société civile, elle existe partout. Nulle part, elle n’est pure et dégagée (43).

Tout cela suggère bien une méthode d’action : s’il ne s’agit pas de chercher à renverser un gouvernement par quelque bouleversement violent à la manière des insurrections classiques, il reste toujours la possibilité de vivifier au maximum et à tout niveau, cette « partie juste », constituée par l’ensemble des rapports horizontaux, libres et fraternels, en un mot an-archiques, que comprend toute société, et qui subsistent malgré tout, même sous la plus sclérosée des dictatures. Cela peut se faire de façon diffuse, permanente et individuelle, dans la manière d’agir au plus ordinaire du quotidien, ou de façon plus nodulaire, par la construction d’alternatives sur le long terme ou la création de situations plus ponctuelles (à la manière des « Zones Autonomes Temporaires » conceptualisées par Hakim Bey) (44).

Dans cette optique, Ryner soutint des essais de « milieux libres », ces communautés expérimentales mises en place par des anarchistes dans la première moitié du XX e siècle. Soutien sincère mais sans grandes illusions cependant. Il écrit ainsi dans un article de 1919 :

Nos socialistes, voire nos anarchistes, sont pour la plupart tournés vers le dehors et demeurent moralement des hommes peu supérieurs à la moyenne. C’est pourquoi les milieux libres qu’ils tentent, formés sur le modèle de leurs créateurs, ont bientôt les défauts de la société banale ! et, comme ils sont libres au moins à l’entrée et à la sortie, on ne tarde pas à s’évader.

Mais il ajoute aussitôt après :

Pourtant l’histoire connaît des « milieux libres » qui ont réussi pendant une durée remarquable. Les premiers chrétiens vécurent en communauté. Six siècles auparavant, les Pythagoriciens avaient réalisé la Maison des Amis. Les Épicuriens, pendant plusieurs siècles, ont formé de grandes ou petites communautés. On trouverait d’autres exemples (45).

Ces communautés antiques étaient-elles vraiment comparables aux « milieux libres » des années 1920, comme le considère Ryner, ou aux communautés des années 1970 et aux squats actuels ? Je n’en suis pas persuadé…

Il n’en reste pas moins que l’hostilité, ou le mépris, pour ce que Ryner appelle la « société civile » est bien présent chez les philosophes antiques, de la manière la plus évidente chez les Cyniques, mais également dans les autres courants étudiés dans L’Individualisme dans l’Antiquité. Quand, dans le Petit manuel individualiste, Ryner écrit :

Quelles sont les fonctions dont s’abstiendra l’individualiste ?

L’individualiste s’abstiendra de toute fonction de l’ordre administratif, de l’ordre judiciaire ou de l’ordre militaire. Il ne sera pas préfet ou policier, officier, juge ou bourreau.

Pourquoi ?

L’individualiste ne peut pas être au nombre des tyrans sociaux (46).

… il reprend, et transpose à peine, deux préceptes d’Épicure :

XV. [Le sage] ne sera ni magistrat, ni chef dans sa nation.
XVI. Il n’aspirera pas à la tyrannie (47).

La pratique des textes anciens a trop longtemps été utilisée à des fins de conservation sociale, et c’est la grande leçon de Han Ryner que d’avoir montré qu’elle peut aussi servir à l’émancipation des individus, en tout lieu, en tout temps. Pour cela, il s’agit avant tout de changer son point de vue. Ainsi, même la doctrine stoïcienne des choses indifférentes, si commodément donnée pour pâture à des générations de jeunes gens dont on souhaitait qu’ils en fassent un miel de résignation, se trouve soudain hissée au rang d’un « positivisme du vouloir (48) ».

J’ai écrit plus haut que, comme Platon « platonisa » Socrate, Ryner avait tendance à « rynériser » les penseurs qu’il aimait. On peut alors être tenté de considérer qu’il n’opère dans L’Individualisme dans l’Antiquité rien d’autre qu’un détournement de la pensée des Antiques. Mais ceux qui le précédèrent dans l’exposé de ces philosophies ne firent certainement pas mieux en reconduisant les anciens poncifs et en projetant ceux de leur temps. Ryner a eu le mérite de prendre en compte ceci qu’il affirme haut et fort, et qui me semble véritable :

Aux mensonges solennels de l’histoire, le révolutionnaire vaincu est toujours déformé.

[…] Un individualiste est un révolutionnaire battu d’avance sur le plan matériel.On change une loi ou un gouvernement. On ne supprime pas toute loi et tout gouvernement. En outre, l’individualiste a contre lui tous les partis, et non pas seulement, comme le démocrate, le parti qui par ses richesses, sa naïve infatuation, ses mensonges intéressés et la servilité des historiens, réussit le mieux à déshonorer ses adversaires. L’ennemi des lois a donc renoncé à ce que les imbéciles et les lâches appellent son honneur. S’il se reste fidèle à lui-même, s’il éprouve un égal écoeurement devant les brusques conversions lucratives et devant les lucratives et subtiles évolutions à la Maurice Barrès, il sera calomnié aussi longtemps qu’on se souviendra de lui ou il sera adapté après sa mort.

Cette gloire déformatrice est réservée aux très grands (49).


Notes

(33) Mention en est faite par Hem Day dans sa liste des conférences de Han Ryner pour la période 1921-1926, contenue dans Han Ryner 1861-1938 – Visage d’un centenaire, Éditions Pensée & Action, 1963, p. 147.

(34) Cette liste est établie par Louis Simon dans une chronologie inédite (manuscrit se trouvant dans les archives des Amis de Han Ryner).

(35) C’est le cas pour la partie consacrée à la platonisation post mortem de Socrate, très largement reprise d’un article paru en octobre 1922 dans la revue Les Primaires, et intitulé « Combat autour d’un cadavre ».

(36) Le lecteur contemporain remarquera au passage que Michel Onfray n’a pas inventé grand chose avec sa Contre-histoire de la philosophie, même si l’on reconnaîtra qu’il a donné à cette entreprise une ampleur inégalée.

(37). Petit manuel individualiste, op. cit., p. 7.

(38) Ibid., p. 26.

(39) Ibid., p. 37-38.

(40) Ibid., p. 42.

(41) Ibid.

(42) Le Rire du sage, in Un Art de Vivre, op. cit., p. 205.

(43) Ibid., p. 235-236.

(44) Cf. Hakim Bey, TAZ – Zone Autonome Temporaire, L’Éclat, 1998. Texte accessible sur Internet.

(45) « Les vrais révolutionnaires », in Notre Voix, 26 octobre 1919 (republication dans Comment te bats-tu ? et autres textes, articles choisis et présentés par C. Arnoult, Le Grognard<.cite> n° 16, décembre 2010).

(46) Petit manuel individualiste, op. cit., p. 46.

(47) Apophtegmes et maximes d’Épicure, À l’enseigne du Pot Cassé, 1937, p. 88.

(48) Cf. L’Individualisme dans l’Antiquité, p. 114-115 de la présente édition.

(49) « Combat autour d’un cadavre », in Les Primaires, octobre 1922 (republication dans les Cahiers des Amis de Han Ryner, n o 28).

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 18:19

IV
Écritures

Si l’on excepte deux ou trois contes parus en revue, les fictions écrites par Henri Ner étaient des romans réalistes, à dominante psychologique. Le Crime d’obéir subvertit quelque peu le genre, mais on est encore loin de la fable philosophique développée dans L’Homme-Fourmi, où le narrateur, par un coup de baguette magique, échange pour un an sa peau humaine contre la cuticule d’une fourmi. Ce livre, écrit en 1899 – donc par Han Ryner – et publié en 1901 marque là encore une rupture, cette fois-ci dans l’oeuvre, qui s’écarte de l’ici et du maintenant pour prendre une tournure beaucoup plus philosophique et symbolique, explorant à cet effet les champs ouverts de l’ailleurs, du passé et de l’imaginaire pur.

En 1901, c’est la genèse du Sphinx rouge, sorte de Crime d’obéir un peu plus mûr, où s’accentue la tendance conjecturale. En 1902 est inventé le personnage de Psychodore, philosophe cynique, sorte de double antique de son auteur, qui sera l’acteur d’une vingtaine de Voyages, et l’orateur d’une cinquantaine de Paraboles (27). Sur cet axe prolongeant d’une certaine manière le merveilleux de L’Homme-Fourmi, on trouvera notamment Les Pacifiques (1914), peut-être la plus étonnante (28) des utopies anarchistes jamais écrites, ainsi qu’un très curieux livre de fantasy philosophique, Les Surhommes (1929).

En 1903 enfin, Ryner écrit des dialogues mettant en scène Épictète et des représentants des différentes écoles antiques, publiés en 1906 sous le titre Les Chrétiens et les philosophes, et qui inaugurent la voie féconde d’une sorte de reconstruction fictionnelle et personnelle de l’histoire de la pensée. Ryner va mettre en scène un nombre considérable de personnages historiques, des penseurs pour la plupart, dans des romans ou de courts récits. La part belle est faite aux antiques : Épictète, Socrate, Dion Chrysostome, Pythagore, Othon, Cléanthe, Pérégrinus font l’objet d’ouvrages entiers ; les morts de Bias, Thalès, Anaxagore, Platon, Épicure, Thraséas, Zénon, Phocion, sont relatées dans les recueils Crépuscules (1930) et Dans le mortier (1932) ; Ryner imagine les Songes perdus (1929) de Xénophane, Antisthène, Chrysippe, Carnéade, Hypathie, parmi bien d’autres ; le Juif errant s’entretient avec, entre autres, Sénèque et Marc Aurèle dans Les Apparitions d’Ahasvérus (1920)…

On pourrait au premier abord être tenté de parler de fictions historiques ou de biographies romancées. Mais je crois que l’objectif est moins ici de présenter de manière littéraire ce que l’on croit percevoir d’une réalité historique, que d’investir un récit de vie comme support exemplaire d’expression d’un choix d’existence et du discours philosophique qui l’accompagne. Les personnes réelles puisées au réservoir des siècles passés deviennent des incarnations de tendances philosophiques, et l’on peut sans doute parler de « personnages conceptuels », pour reprendre un terme de Gilles Deleuze (29). Pour qualifier ces écrits de Ryner, Vittorio Frigerio a quant à lui judicieusement utilisé le terme de « paraboles historiques (30) ».

Mais on n’est pas non plus très loin du genre de l’hagiographie (au sens premier du terme), du récit édifiant des vies exemplaires de saints. Il faut se rappeler ici que Ryner était très fortement imprégné, sans doute davantage encore que bien de ses contemporains qui l’étaient pourtant de manière considérable, de culture chrétienne – sa scolarité s’est faite dans des établissements religieux, et il sembla longtemps destiné à la prêtrise ou à la vie monacale. Par la suite, ayant rompu avec la religion et prenant sa part dans le combat anticlérical, sa langue continuera de se colorer fréquemment d’expressions et de tournures empruntées au registre de la ferveur religieuse. On doit également signaler qu’il garda toute sa vie une certaine tendresse pour Jésus, dont il opéra une remarquable réécriture de la vie dans Le Cinquième évangile (1910). Tout cela l’a d’ailleurs certainement desservi auprès des dogmatiques de tous bords, y compris dans les rangs des libres-penseurs, qui pouvaient le soupçonner de crypto-religiosité.

Les récits de Ryner se distinguent pourtant des récits de vie des saints en ceci qu’ils ne signent jamais la manifestation d’une puissance surnaturelle à laquelle toute chose sur terre serait soumise et qui s’exprimerait notamment par les actes de quelques personnalités exemplaires, mais affirment au contraire la souveraineté de l’individu sur lui-même, face aux aléas souvent douloureux d’un monde où « l’hypothèse Dieu » s’avère inutile, et aux horreurs engendrées par ce que tout groupement, a fortiori toute société, a d’odieux.

Il faut encore souligner à quel point Ryner insuffle sa propre pensée à ses personnages, et cela d’autant plus qu’il se sent proche d’eux. Dans Le Cinquième évangile, il va jusqu’à faire prononcer en un monologue intérieur à Jésus crucifié un « Discours plus haut que la montagne », dépassement stoïcien des Béatitudes, et credo purement rynérien. Les Véritables entretiens de Socrate monte sans doute encore d’un degré sur cette échelle de l’appropriation. Il s’agit d’une réécriture des dialogues socratiques, non plus du point de vue de Platon ou de Xénophon, mais de celui d’Antisthène le cynique. À quelques détails près, Ryner pourrait parfaitement assumer pour lui-même les paroles qu’il met dans la bouche de Socrate. Il assure par ailleurs qu’il a ainsi voulu « dresser, vivant, un Socrate vraisemblable ». Il le croyait sans doute, mais si je suis bien convaincu que Platon a fortement platonisé Socrate, je ne le suis pas moins que Ryner l’a à son tour peu ou prou rynérisé.

De ce point de vue, on pourrait également rapprocher les « paraboles historiques » rynériennes des « mythobiographies » écrites et théorisées en toute conscience par Claude Louis-Combet, dans lesquelles il s’agit pour l’auteur de s’appliquer à « dégager le sens de son histoire personnelle en associant ses propres fantasmes, sa mythologie individuelle, à la biographie d’un personnage historique ou légendaire qui lui sert de miroir, d’écran de projection (31) ». On est certes dans deux registres différents : celui d’une sorte d’autopsychanalyse chez Louis-Combet, celui de l’activité philosophique à l’antique, c’est-à-dire engageant le choix d’un mode d’existence, chez Ryner. Mais dans les deux cas, je crois que le processus de projection par l’écriture dans un personnage d’origine réelle vise paradoxalement à un renforcement de sa propre individualité.

Les écoles philosophiques antiques faisaient un large usage des « exercices spirituels », pratiques de pensée ou expériences mentales autoprovoquées destinées à fortifier l’individu dans son choix de vie. Il me semble que l’écriture chez Ryner peut ainsi être interprétée elle-même comme un exercice spirituel. Pierre Hadot cite d’ailleurs Plutarque qui écrit :

Le discours philosophique ne sculpte pas des statues immobiles, mais, tout ce qu’il touche, il veut le rendre actif, efficace et vivant, il inspire des élans moteurs, des jugements générateurs d’actes utiles, des choix en faveur du bien […] (32)

Et Hadot d’ajouter : « Dans cette perspective, on peut définir [le discours philosophique] comme un exercice spirituel, c’est-à-dire comme une pratique destinée à opérer un changement radical de l’être. » Notons que pour l’individualiste qu’est Ryner, si un « changement radical de l’être », une rénovation en profondeur de l’individu est certes nécessaire, il n’est sûrement pas destiné à le ravir à lui-même, mais au contraire à le faire devenir toujours davantage ce qu’il peut réellement et ce qu’il veut véritablement être.

Cette forme d’exercice spirituel, Ryner l’aura pratiquée avec la plus grande régularité chaque jour de sa vie d’adulte, dans des conditions pas forcément confortables, puisqu’il se consacrait ordinairement à l’écriture entre quatre et huit heures du matin, avant d’aller accomplir dans quelque lycée le labeur mercenaire qui lui permettait d’assurer la matérielle.


Notes

(27) Dans les contes des Voyages de Psychodore (1903) et des Paraboles cyniques (publié en 1912, mais écrit dès 1905).

(28) La société imaginée par Ryner est arrivée à l’anarchie par une véritable révolution non-violente. En 1904, l’année où le livre a été écrit, Gandhi n’avait pas encore mis en pratique le satyagraha, la désobéissance civile non-violente. Gandhi et Ryner ont tous deux été inspirés par Tolstoï.

(29) Je ne développerai pas davantage ce point, ma connaissance des textes de Deleuze étant plus que limitée, mais il y a manifestement là de très fructueuses perspectives.

(30) Cf. Vittorio Frigerio, « Han Ryner et les paraboles historiques », in Histoires littéraires, n° 30, 2007, p. 25-42.

(31) « Le coeur flamboyant, entretien avec Claude Louis-Combet », in Amer, revue finissante, troisième opération, 2009, p. 111.

(32) Plutarque, Le philosophe doit surtout s’entretenir avec les grands, 776 c-d, cité par Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, op. cit., p. 271.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 18:11

III
Mutations (16)

En 1892, Henri Ner publie en collaboration avec un certain Émile Saint-Lanne un gros ouvrage de sociologie politique intitulé La Paix pour la Vie. On trouve dans ce livre une curieuse allusion aux stoïciens :

À l’époque d’Épictète, en face de l’horrible esclavage, deux belles attitudes étaient possibles : l’attitude du stoïcien et celle du chrétien. Il était beau de crier : – Je reste libre, malgré tout, puisque je ne crains pas la mort. Il était plus beau de dire au maître : – L’esclave et toi, vous êtes égaux devant Dieu. Renonce à ton droit monstrueux. – L’orgueil est une chose admirable ; nous admirons davantage la pitié. Le stoïcien était un noble individualiste ; le chrétien sentait la solidarité humaine, la fraternité et l’égalité de tous. Le stoïcien n’a pu que prononcer de grandes paroles stériles. « Aimez-vous les uns les autres » a métamorphosé le monde. Aujourd’hui les économistes libéraux sont des stoïciens par la vaillance et la patience admirable avec lesquelles ils supportent les misères… des autres. Le socialisme a accepté l’héritage du christianisme ; nous sommes les vrais chrétiens de notre temps, car le christianisme est de son essence doucement révolutionnaire et égalitaire (17).

C’est qu’à l’époque, Ryner ne se reconnaît pas encore comme individualiste. Les auteurs de La Paix pour la Vie se déclarent en effet collectivistes, bien que se ralliant pour l’action à une branche bien réformiste du socialisme d’alors, le « possibilisme ».

À la fin d’un article légèrement postérieur, on lit encore :

Le découragement et l’abstention sont les fruits amers de l’égoïsme, de l’individualisme. Alceste et Philinte vivent depuis trop longtemps : l’un fut stoïcien, l’autre épicurien. Tuons-les en chacun de nous. Ne songe pas à toi qui passes et qui n’es rien. Songe que tu es un homme, une pensée, une vie, et que cela ne passe pas. Par la pensée et le sentiment de la solidarité, tu peux prendre un bain d’éternité. Ce Styx de l’empire de vie te rendra invulnérable. Plonge-toi tout entier dans ce merveilleux idéal ; ne réserve rien de toi ; ne laisse rien de toi aux calculs de l’individualisme, car un jour tu serais blessé au talon (18).

Je pense qu’en réalité, l’individualisme stoïcien que combattait ainsi Ner par la plume était avant tout celui que manifestait trop fortement sa propre sensibilité.

Dans son tout premier roman paru en 1889, Chair vaincue, on lisait déjà au sujet du personnage principal, dont il est certain qu’il emprunte une partie non négligeable de ses tendances à Ner lui-même :

Il s’était retranché dans cette soumission dédaigneuse du stoïcien qui ne veut pas que son bonheur dépende de rien ni de personne. Devant les personnes comme devant les choses, en face des cupidités qui entraînent, ou des terreurs qui arrêtent, il était toujours l’homme qui hausse les épaules.

Ainsi, sur lui, nul n’avait de prise. Il est bien fort, celui qui ne craint rien, qui ne désire rien ; celui qui répète, non en se résignant, mais en relevant la tête, non en fils soumis, mais en sujet doucement railleur et révolté, et sans trop savoir si quelqu’un entend son ironie, le mot de la prière du chrétien : « Que votre volonté soit faite (19) ! »

Mais il faudra attendre 1895 pour que Ryner se reconnaisse individualiste, et cette prise de conscience semble s’être faite d’une manière assez soudaine. Il parlera plus tard, utilisant comme souvent une expression empruntée au registre religieux, de sa « conversion individualiste ».

Cette année 1895 est marquée par l’écriture du Crime d’obéir. Dans cet étrange roman de formation, Ryner imagine un nouveau type de héros :

On confond parfois le héros avec l’aventurier, joueur qui risque sa vie contre une couronne, une fortune, un galon, une croix ou un mot d’éloge. […]

On confond encore le héros avec je ne sais quel récepteur qui emmagasine les sentiments d’une multitude, foule ou armée, et qui les exprime ensuite par des gestes larges ou énergiques. Mais un écho, même quand il multiplie le son, n’est pas une voix vivante, et un héros doit être une personne.

[…] Car le Héros, c’est l’Individu. Il ne se manifeste extérieurement que comme réaction contre son milieu. On comprend qu’il doit être antipathique à la foule de son temps et de son pays (20).

Il conclut son avertissement par :

Ce livre essaye de dire un héros. On y verra le monstre naissant et le monstre formé (21).

Le « monstre naissant » est un jeune provincial monté à Paris pour faire son droit qui découvre dans la fréquentation de milieux littéraires de seconde zone la médiocrité, la férocité et la veulerie de tout groupement. Le « monstre formé » est un réfractaire absolu, qui rejette les deux crimes exigés selon Ryner par la société : celui de commander, celui d’obéir. Pour cela, le héros renonce à sa position sociale pour vivre du travail de ses mains (il se fait cordonnier) et refuse de faire son service militaire. Il finira à l’asile puis en prison, avant de mourir sous les coups des matons.

Là encore, un certain stoïcisme est la référence du « héros » individualiste :

[Pierre Daspres et sa compagne Camille Ramel] vivaient heureux d’un bonheur sans grâce : une joie calme et raide de moines qui vont dans le présent à peine aperçu, à peine senti, hallucinés par la vision de la mort prochaine ; la joie puissante et nullement fleurie de stoïciens ignorés mais qui savent que la tyrannie les découvrira, s’irritera de leur attitude droite sans défaillance et, par ses efforts pour courber et assouplir leur impitoyable rigidité, les brisera. Ils étaient heureux sur la glace des sommets, dans l’air rare, irrespirable pour les êtres moins nobles (22).

Jusque vers 1900, c’est-à-dire pendant la moitié de sa vie, Ryner, tout comme Daspres, n’aura cessé de rompre, souvent violemment, avec toutes sortes de milieux : dans son enfance et son adolescence, il ne reste jamais plus de deux ans dans le même établissement ; à la mort de sa mère, fauchée par un train alors qu’elle se rendait à la messe, il rompt avec l’Église ; puis ce sera la rupture avec la Franc-maçonnerie, la politique, le Félibrige, divers cercles littéraires, son métier (23), sa propre femme… avant qu’il ne se suicide littérairement par la parution en 1898 dans La Plume du Massacre des Amazones, où il estourbit de sa critique tout ce que le pays comptait de bas-bleus, soignant particulièrement filles, épouses et amantes des plus grandes puissances éditoriales du temps, ce qui lui vaut une « conspiration du silence » qui ne s’atténuera qu’au début des années 1910.

Avec le nouveau siècle semble s’installer une certaine stabilité, mais il lui reste une dernière rupture à opérer, peut-être plus difficile que les autres, puisqu’il s’agit de rompre avec une part de lui-même, cette part âpre d’un « bonheur sans grâce », cette part d’« impitoyable rigidité » qu’il prête sous une forme extrême à son « héros individualiste » Pierre Daspres, et qu’il lui faudra dépouiller pour véritablement investir cette étonnante figure du sage antique, recréée à l’aube du XX e siècle. Cette mutation, sans doute plus progressive que la « conversion individualiste » de 1895, me semble trouver son accomplissement vers le milieu de la décennie 1900-1910.

Pierre Daspres était certainement un héros, mais il n’était pas vraiment un sage. Son stoïcisme, qui est aussi celui du Ner / Ryner des années 1895-1905, est proche d’une certaine manière des excès du cynisme. Ryner écrira dans La Sagesse qui rit :

Parmi les exercices de volonté recommandés par les stoïciens et surtout par les cyniques, plusieurs me semblent transformer l’artiste moral en quelque chose de pauvre et de monastique. Ces gens-là ignorent que la grâce est nécessaire à la beauté et que tout effort inutile ou exagéré grince et grimace (24).

Je crois qu’il manquait encore à Ryner, comme il manqua de tout temps et comme il continue, je le crains, de manquer à nombre de militants des causes les plus belles et les plus justes, une certaine forme de délicatesse à laquelle on peut donner le nom de discrétion :

Cette vertu, les stoïciens l’appelaient oïkonomia ; saint Augustin la nomme dispensatio. Le français n’a pour la désigner qu’un mot usé par les siècles et vidé de son riche contenu ancien : discrétion. Je lui redonne sa plénitude perdue et peut-être un peu plus : je lui fais signifier ce faisceau de clarté, de sourire et d’affectueuse réserve qui permet de voir quelle quantité de vérité chacun supportera et de ne jamais jeter sur les épaules des faibles une charge trop lourde.

Même s’il est extrêmement pénible à l’« activiste » d’en accepter toutes les conséquences :

Ainsi entendue, la discrétion suppose un dernier et difficile détachement de soimême ; elle suppose que notre orgueil et notre humilité sont purgés de toute vanité ; que la constatation de notre impuissance absolue sur le dehors ne s’irritera plus en efforts grinçants. Notre effort utile, en effet, sera presque toujours intérieur et subjectif. C’est mon âme seule que je puis allumer. Qu’elle devienne un feu de plus en plus grand afin d’émaner, vers ceux qui ont froid dans les ténèbres, de plus en plus de lumière et de chaleur (25).

Dans l’esprit de Ryner, cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille strictement rien faire d’« extérieur », et se confire dans une immobile méditation. Si tel avait été le cas, on ne l’aurait pas vu consacrer tant d’énergie à la défense des victimes de la vindicte judiciaire et militaire, ceux qui, trop souvent pour avoir refusé l’ignominie de certaines « lois écrites » contraires au principe de fraternité, se firent broyer par la machine sociale (26).

 


Notes

(16) Nombre d’éléments biographiques ont été rassemblés par Louis Simon, gendre de Han Ryner, dans À la découverte de Han Ryner, Le Pavillon, 1970 (préface de Jean Rostand) et Un individualiste dans le social, éd. Syndicalistes, 1973. Des souvenirs ont été publiés sous les titres J’ai nom Eliacin (1956), … Aux orties (1957) et Le Sillage parfumé (1958), tous trois aux éditions Sésame. Haussements d’épaules reste inédit en volume, mais a été publié dans les Cahiers des Amis de Han Ryner. Enfin, pour une étude chronologique et méthodique de l’oeuvre mise en parallèle avec la vie, on consultera la thèse de Gérard Lecha : Han Ryner ou La Pensée sociale d’un individualiste au début du siècle, Université François-Rabelais de Tours, 1993.

(17)17. Henri Ner et Émile Saint-Lanne, La Paix pour la Vie, Édition Nouvelle F. Blanc et C ie, 1892, p. 462.

(18) Henri Ner, « Deux individualistes », La Revue Indépendante, circa 1894 (republié dans les Cahiers des Amis de Han Ryner n° 36).

(19) Henri Ner, Chair vaincue, Librairie Parisienne, 1889, p. 27.

(20) « Précaution oratoire » au Crime d’obéir, Éditions de L’Idée Libre, 1926, p. V.

(21) Ibid., p. VI.

(22) Le Crime d’obéir, op. cit., p. 195.

(23) Il abandonne en 1895 son statut de professeur pour celui de répétiteur, moins exposé car situé plus bas dans la hiérarchie. À partir de ce moment-là et jusqu’à sa retraite en 1922, sa profession n’est donc pas d’enseigner, mais de surveiller et d’aider les élèves dans leur travail scolaire.

(24) La Sagesse qui rit, op. cit., p. 153.

(25) Le Subjectivisme, op. cit., p. 76. Cette citation continue la précédente.

(26) Pour le soutien de Ryner à diverses victimes de la répression, notamment à des objecteurs de conscience, cf. Louis Simon, Un individualiste dans le social, op.cit.

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 18:00

II
Fondation

Henri Ner (13) naquit en 1861 dans une famille de très petite bourgeoisie : son père était receveur des postes ; sa mère fut institutrice libre avant de tenir une petite épicerie. Le ménage était à la fois catholique et profondément républicain.

Le petit Ner montra très tôt du goût et des facilités pour l’art oratoire. Quand on l’interrogeait sur ce qu’il voulait faire plus tard, il répondait : « Curé ! parce qu’on prêche… » Curé, c’était trop d’ambition : on l’envoya se faire moine. Ainsi, à l’âge de 12 ans, fut-il admis au noviciat de Saint-Paul-Trois-Châteaux dans la Drôme, établissement tenu par les Frères maristes.

Là, on lui enseigna que la vertu fondamentale menant à la perfection chrétienne est l’obéissance, dont le plus haut degré est l’obéissance aveugle, « celle qui conforme son jugement à celui du supérieur et qui croit que ce qui est prescrit […] est ce qu’il y a de mieux et de plus parfait pour lui (14) ». Cette conception de l’obéissance impliquait donc non seulement l’abandon de toute liberté d’action, mais encore le renoncement à toute liberté de pensée, la dissolution de toute volonté propre dans celle du prescripteur.

Ryner rapporte dans ses souvenirs que pour préserver sa liberté intérieure, il se fortifiait de l’exemple des stoïciens, se répétant les formules d’Épictète. Ainsi quand le maître des novices l’interrogeait :

– Que pensez-vous ?

– Aux stoïciens, cher frère.

[…]

– Que vous apprennent-ils donc vos stoïciens ?

– Ils m’apprennent que tout ce qui ne dépend pas de moi est indifférent.

– Pas mal – reconnut-il. Mais c’est dit avec plus d’onction dans Les Principes de la Perfection… Vous apprennent-ils encore autre chose ?

– Oui, cher frère. Ils m’apprennent que, même dans uneprison ou dans une maison de fous, je puis garder ma pensée libre(15).

Il ne faut pas se faire d’illusions : Ryner a recréé sous le régime de la fiction – et au moule de sa propre personnalité – les actes, le verbe et les songes de tant de penseurs qu’il serait étonnant qu’il n’y ait pas quelque part légendaire dans l’expression de ses souvenirs. Mais qu’importe ! je pense que dans cet épisode, aussi reconstruit qu’il puisse l’être, nous touchons à une caractéristique importante de l’« option existentielle » fondatrice de la philosophie rynérienne : la nécessité de préserver sa liberté intérieure – ou, si l’on préfère, sa santé mentale – en une société perçue, même en dehors des murs de quelque noviciat, comme une vaste extension de la Santé, sinon de Charenton.

Et l’un des intérêts des philosophies antiques est de regorger d’outils pratiques permettant de conserver et de fortifier cette liberté intérieure si précieuse. Les stoïciens ayant été les meilleurs artisans en la matière, on ne s’étonnera pas de voir Ryner se reconnaître à l’occasion comme « néostoïcien ».

On va voir que l’on détecte les linéaments de l’influence stoïcienne très tôt dans son oeuvre, avant même que Ryner ne se soit reconnu comme individualiste.


Notes

(13) Henri Ner ne prendra son pseudonyme purement visuel de Han Ryner qu’en 1898.

(14) D’après Les principes de la perfection chrétienne et religieuse, à l’usage des Petits-Frères-de- Marie, cité par Han Ryner dans J’ai nom Eliacin, Les éditions Sésame pour les Amis de Han Ryner, 1956, p. 93.

(15) J’ai nom Eliacin, op. cit., p. 94.

(16) Nombre d’éléments biographiques ont été rassemblés par Louis Simon, gendre de Han Ryner, dans À la découverte de Han Ryner, Le Pavillon, 1970 (préface de Jean Rostand) et Un individualiste dans le social, éd. Syndicalistes, 1973. Des souvenirs ont été publiés sous les titres J’ai nom Eliacin (1956), … Aux orties (1957) et Le Sillage parfumé (1958), tous trois aux éditions Sésame. Haussements d’épaules reste inédit en volume, mais a été publié dans les Cahiers des Amis de Han Ryner. Enfin, pour une étude chronologique et méthodique de l’oeuvre mise en parallèle avec la vie, on consultera la thèse de Gérard Lecha : Han Ryner ou La Pensée sociale d’un individualiste au début du siècle, Université François-Rabelais de Tours, 1993.

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25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 12:48

Dans la foulée de l'annonce de la prochaine réunion des Amis de Han Ryner le 27 avril prochain, je mets en ligne la préface commise pour L'Individualisme dans l'Antiquité aux éditions du Sandre. Première partie aujourd'hui.


L'Individualiste et l'Antiquité

Han Ryner (1861-1938)

En hommage trop tardif à Pierre Hadot,
dont la mort survint alors que je rédigeais ce texte.

I
Philosophe ?

On a sans doute, et pendant trop longtemps, accoutumé de considérer comme seuls véritables philosophes tous ces grands bâtisseurs de vastes édifices, fondés d’axiomes, murés de logique, et destinés à contenir quelque explication totalisante du monde. Mais les palais métaphysiques qu’ils construisirent nous apparaissent souvent comme suspendus dans les nuées, et ce qui semble le plus solide lorsqu’on y est installé, prend vite la consistance d’une buée dès que l’on s’en éloigne.

En ces châteaux, certes, on ne néglige pas l’être humain et sa conduite, et au fil des enchaînements logiques, de la métaphysique découle l’éthique. Du ciel des idées générales, on fait pleuvoir sur la glèbe du quotidien quantité de préceptes moraux… quant à savoir si l’ondée fera germer la graine et donnera à la vie sa charge de fleurs et de fruits, cela n’a guère d’importance – la construction théorique se suffit à elle-même.

On ne trouvera pas ce genre de gros oeuvre dans les écrits de Han Ryner. Pis, on le voit nier la solidité des matériaux les plus nobles, et sous sa plume, moellons et mortier semblent se volatiliser en vapeurs subtiles. La logique ? « un chapitre de l’esthétique (1) ». La définition ? légitime en mathématiques, illusoire partout ailleurs (2). Quant à la métaphysique elle- même, elle est ramenée à une rêverie poétique, mouvante et imprécise, qui se doit d’échapper à toute affirmation (3) – ce qui n’a d’ailleurs rien d’une déchéance : le songe et son évanescence ne sont-ils pas aussi nécessaires à la vie humaine que les nourritures terrestres ?

Ainsi Ryner n’a point bâti de système. Demeure une éthique, dont l’exposé théorique complet tient en un volume de trois cents pages, au contenu certes dense, mais pas précisément tassé du point de vue typographique (4).

S’il abandonne la métaphysique aux contrées brumeuses du songe, sur quoi peut bien se baser Ryner pour fonder son éthique ? Se tourne-t-il vers les sciences positives ? Certainement pas. Sur la biologie, sur la sociologie, dit-il, on peut espérer fonder une politique, non une éthique (5) . Ces disciplines s’intéressent à des ensembles, et l’étude du singulier n’y est matière qu’à généralisations. Là intervient le point de vue individualiste :

L’individualiste est un homme qui a le sentiment de la réalité de l’individu et de l’irréalité de tout ce qui n’est pas individuel et singulier (6).

La conduite de sa propre vie ne regarde donc que l’individu lui-même. Elle n’a pas à s’appuyer sur des connaissances extérieures. Ryner affirme hautement l’indépendance de l’éthique face aux autres disciplines.

Dès lors l’éthique qu’il conçoit n’apparaît plus fondée que sur la connaissance de soi-même, préconisée déjà par Socrate et les sophistes, et vue, non sur le mode platonicien, comme occasion de réminiscences d’« Idées » ayant on ne sait trop où une existence indépendante, mais tout simplement comme mise au clair par chaque individu de ses capacités et de ses volontés profondes :

Le « Connais-toi toi-même » socratique ne doit pas être entendu en un sens métaphysique et platonicien. Il signifie seulement : « Connais ce que tu veux et connais ce que tu peux. » (7)

Ce travail d’introspection n’a cependant rien d’évident, et Ryner le sait bien :

Oh ! mon effarement et mon recul au premier regard sur moi. Ce que j’appelle Moi, quel chaos fou ! Cette lourdeur faite de mille passivités dénouées, est- ce un vivant ? Cet enchevêtrement de mille contradictions actives, est-ce un seul vivant ? Où suis-je là-dedans ? Qu’est-ce qui est vraiment moi, qu’est-ce qui m’est étranger ? Ah ! le tri à faire, quelle oeuvre longue et difficile (8) !

Pour commencer ce tri, la première chose à faire est de ne plus écouter les paroles extérieures, de faire « taire les voix de [son] pays et de [son] siècle », de se considérer « sous l’aspect de l’éternité » (9) . On retrouve, d’une certaine manière, la grande opposition entre la Cité et la Nature si présente chez les philosophes antiques étudiés dans L’Individualisme dans l’ Antiquité : pour connaître ma Nature, je dois repousser les voix – les lois – de la Cité.

À mesure que l’individu prend conscience de ce qu’il peut réellement, de ce qu’il veut véritablement, et s’il tient à rester cohérent avec lui-même, il modifie la conduite de sa vie, la raffine, l’harmonise, comme le sculpteur dégage la statue de sa gangue. La connaissance de soi-même et l’action sur soi-même se mêlent, et c’est là que se situe chez Ryner l’activité philosophique, qui n’est plus limitée à la seule production de discours théorique, mais prend les dimensions d’un art de vivre. Le discours théorique accompagne et soutient la « sculpture de soi », cet accomplissement de soi-même dans son existence, mais sans lui préexister.

Cela me semble très proche de ce que pointe Pierre Hadot dans Qu’est-ce que la philosophie antique ? :

[…] au moins depuis Socrate, l’option pour un mode de vie ne se situe pas à la fin du processus de l’activité philosophique, comme une sorte d’appendice accessoire, mais bien au contraire, à l’origine, dans une complexe interaction entre la réaction critique à d’autres attitudes existentielles, la vision globale d’une certaine manière de vivre et de voir le monde, et la décision volontaire elle-même ; et cette option détermine ainsi jusqu’à un certain point la doctrine elle-même et le mode d’enseignement de cette doctrine. Le discours philosophique prend donc son origine dans un choix de vie et une option existentielle et non l’inverse (10) .

Ce qu’écrit Hadot des philosophes antiques rend ainsi à Ryner la plénitude de sa condition de philosophe, et son étonnante spécificité pour un homme du début du XX e siècle : il nous apparaît non seulement comme quelqu’un qui connaît bien la pensée des philosophes antiques et « les [a pris] au sérieux au point d’en faire usage (11) », mais encore et véritablement comme l’un des leurs, partageant un mode particulier d’existence, par-delà les siècles.

Dans le lumineux exposé des Diverses sortes d’ Individualisme, que fait-il d’autre qu’établir une classification – parmi bien d’autres, sans doute – des « options existentielles » possibles ?

*

Ryner fut surnommé en son temps « le Socrate contemporain ». La comparaison est à mon sens inadéquate (12). Il n’en reste pas moins que depuis l’Antiquité, nul n’a réinvesti de manière aussi surprenante la figure du sage antique.


Notes

(1) Le Subjectivisme, éd. du Fauconnier, 1922, p. 11.

(2) Cf. Des diverses sortes d’ Individualisme, p. 123-128 de la présente édition.

(3) Cf. La Sagesse qui rit, in Un Art de Vivre, Les éditions du Pavillon, 1968, p. 32.

(4) La sagesse qui rit et Le Rire du sage, ouvrages rassemblés sous le titre Un Art de Vivre, op. cit.

(5) Cf. Un Art de Vivre, op. cit., p. 39.

(6) Des divers sortes d’Individualisme, p. 123de la présente édition.

(7) L’individualisme dans l’Antiquité, p. 70 de la présente édition.

(8) Le Subjectivisme, op. cit., p. 59.

(9) Ibid., p. 60 et 61.

(10) Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Folio essais, 2005, p. 17-18.

(11) J’emprunte l’expression à Bernard Pautrat qui l’emploie dans « Un sage turbulent », postface au Petit manuel individualiste, Allia, 2010, p. 72.

(12) Je crois qu’il manque à Ryner la pratique de la maïeutique, qui ne peut se réaliser en un livre, ni même en une conférence : la maïeutique nécessite le questionnement dans le rapport interpersonnel du dialogue. Les occasions ne manquèrent pourtant pas dans sa vie personnelle puisqu’il était très loin de vivre en reclus, mais, pour ce que nous en savons, il ne semble pas qu’il ait pratiqué cette technique socratique. Cela n’ empêche pas que la conversation, la lecture de son oeuvre et / ou l’entretien d’une correspondance aient pu grandement contribuer à aider certains à « accoucher » d’une pensée véritablement personnelle. Je pense notamment à Hem Day, fameux anarchiste belge, qui reconnut Ryner pour son « père spirituel », précisément parce que son commerce lui avait permis de dégager sa pensée propre. Il convient de distinguer un tel cheminement de celui d’éventuels admirateurs versés dans le psittacisme, voire dans l’idolâtrie – dont je crains que malheureusement Ryner eut sa part, tout particulièrement dans les années 1920.

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:34

Le blog des Petites Revues nous a fait découvrir il n'y a pas très longtemps ce qui semble avoir été un supplément à la revue Les Guêpes (petite revue littéraire proche de l'Action Française pour laquelle Ryner a d'ailleurs curieusement donné deux ou trois textes). L'objet en question s'appelle Le Khanard, "petit organe satirique", et se présente sous la forme d'un fac-similé autographe. L'ami SPiRitus nous donne le scan complet de cette curiosité ici.

C'est la forme autographe qui m'a fait penser à ce numéro des Croquis Brefs consacré à Ryner. Cette (toute) petite revue ou collection fut rédigée entre 1922 et 1924 par Albin Cantone, dit Albin, "publiciste" à Lyon. Albin, immigré italien, ouvrier décolleteur, anarchiste, a été à l'origine d'au moins deux autres revues qui ont accordé une certaine place à Ryner : Les Glaneurs et Les Vagabonds individualistes libertaires. Pour en savoir davantage sur ce personnage, le mieux est d'aller jeter un œil à sa notice sur le Dictionnaire international des militants anarchistes.

Ci-dessous le scan intégral du numéro en question.


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On peut télécharger ici un pdf à imprimer recto-verso et plier.

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 13:43
Louis Simon - Georgette Ryner - Hem Day
Han Ryner
1861-1938

Visage d'un centenaire

Editions Pensée & Action
Paris - Bruxelles
1963
  • [En épigraphes, trois citations de Georgette Ryner, Louis Simon et Florian-Parmentier.]
  • Louis Simon : Visage d'un centenaire, p. 3.
  • Georgette Ryner : Mon père et moi [article paru dans la revue Le Semeur, date non précisée], p. 12.
  • Hem Day : Présentation, p. 15.
  • [Hors-Texte : deux portraits photographiques.]
  • Victor Méric : Han Ryner, père de Psychodore [article paru dans Les Hommes du Jour, 7 septembre 1912, n° 242], p. 17.
  • Jacques Fréhel : Les murs s'ouvrent devant la Vérité [article paru dans la revue Le Rythme, 10 octobre 1912], p. 20.
  • Jules Rivet : Dix minutes chez Han Ryner [article paru dans La Vie littéraire et artistique n° 13, 1er avril 1923], p. 24.
  • Louis Prat : Han Ryner n'est pas un prince de la terre... [article paru dans La Pensée Française n° 69, 28 février 1924], p. 26.
  • Hem Day : Je trace une route. Il y a déjà d'autres routes, p. 29 :
    • — Subjectivisme, p. 31
    • — Sagesse, p. 34
    • — Métaphysique, p. 36
    • — Déterminisme - Liberté, p. 37
    • — Diversités du sage, p. 40
    • — Harmonie, p. 41
  • Hem Day : Individualisme d'harmonie, p. 43.
  • Hem Day : Jacques Fréhel, J. Mélon, Synis, Banville d'Hostel, M. C. Poinsot, Manuel Devaldès et Charles Baudoin nous parlent de l'œuvre de Han Ryner, p. 56 :
    • Les Voyages de Psychodore, p. 56
    • Les Paraboles cyniques, p. 57
    • Les Chrétiens et les Philosophes, p. 59
    • Les Synthèses suprêmes [par Hem Day seul], p. 60
    • Le Rire du sage [article de Charles Baudouin, Action et Pensée, janvier 1960], p. 62.
  • [Hors-Texte : Portrait gravé sur bois par Gabriel Belot.]
  • Hem Day : Contre les religions des églises, p. 65.
  • [Hors-Texte : Masque mortuaire par Jean Levet.]
  • Hem Day : L'An-archie dans l'œuvre de Han Ryner, p. 83.
  • Hem Day : En relisant ma correspondance avec Han Ryner, p. 106.
  • Kuni Matsuo : Lettre du Japon, p.nbsp;114
  • Hem Day : Bibliographie, p. 116 :
    • [Œuvres publiées de Henri Ner, p. 116]
    • [Œuvres publiées du vivant de Han Ryner, p. 118]
    • Collaboration, p. 131
    • Publications posthumes, p. 132
    • Traductions [par Henri Ner ou Han Ryner], p. 134
    • Réponses à des enquêtes, p. 134
    • Traductions des œuvres de Han Ryner [bibliographie établie par Louis Simon], p. 135
      • I. Langue allemande, p. 135
      • II. Langue anglaise, p. 136
      • III. Langue bulgare, p. 136
      • IV. Langue espagnole, p. 136
      • V. Langue hébraïque, p. 138
      • Vbis. Langue internationale IDO, p. 138
      • VI. Langue italienne, p. 138
      • VII. Langue japonaise, p. 139
      • VIII. Langue portugaise, p. 139
      • IX. Langue roumaine, p. 139
    • Quelques ouvrages restés inédits, p. 140
    • Livres préfacés par Han Ryner, p. 140
    • Préfaces annoncées, p. 144
    • Notices faites par Han Ryner dans la collection "Les Meilleurs Livres", p. 144
    • Collaboration principales aux périodiques, p. 145
    • Principales conférences faites par Han Ryner, p. 146 :
      • Conférences antérieures à 1919, p. 146
      • Conférences de Han Ryner 1921-1926 à Paris, p. 146
    • Etudes sur Han Ryner, p. 149
    • Livres dans lesquels il est parlé de Han Ryner, p 153
    • Quelques études et articles, p. 155
    • Iconographie, p. 160
    • Dans la revue Cenit, p. 163<:li>
    • Han Ryner en Roumanie [extrait d'un livre d'Eugèn Relgis], p. 163 :
      • I. Traductions, p. 163
      • II. Collaborations, p. 165
      • III. Articles, études, recensions, notes, p. 165
    • Conférences sur Han Ryner, p. 167
    • Ma contribution [celle d'Hem Day !], p.170

L'ouvrage compte 172 pages.Un scan de la partie bibliographique est téléchargeable ici.

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