Deux mois déjà que L'Homme-Fourmi a été réédité aux éditions de l'Arbre vengeur : il était temps que ce blog s'en fasse l'écho !
On doit cette réédition à la volonté de Natacha Vas-Deyres, spécialiste de littérature utopique, d'anticipation et de science-fiction française, auteure d'une somme sur le sujet : Ces Français qui ont écrit demain. Utopie, anticipation et science-fiction au XXe siècle (éditions Honoré Champion, 2013). Natcha Vas-Deyres signe la préface, qui est avant tout une introduction au thème de la fourmi dans le "merveilleux scientifique" de la littérature fin XIX - première moitié du XX. On y apprend notamment que si deux contes russes pour la jeunesse (Le Héros d'une fourmilière de Vassili Avenarius et Les Aventures extraordinaires d'une fourmi de Fedor Skortsov), tous deux parus dans les années 1890, ont précédé L'Homme-Fourmi,
celui-ci inaugure une "veine littéraire" consacrée aux fourmis qui se perpétuera dès le début du XXe siècle : L'Homme-Fourmi apparaît comme le modèle du roman émerveillé par la vie des fourmis, ayant pour protagonistes des insectes, la présence de l'homme servant presque de prétexte narratif à un récit centré autour de la vie sociale des formidés.
On découvre ensuite quelques successeurs de ce roman, dont le bien alléchant (mais pas traduit en français) The Ants of Thimothy Thümmel du Hongrois Arpàd Ferenczy :
[ce livre] met en scène, encore une fois, un entomologiste aux prises avec les fourmis intelligentes Aruwini, en Afrique centrale mais ce dernier raconte l'histoire de leur civilisation et démontre la supériorité intellectuelle et sociale des fourmis : l'ouvrage de Thimothy Thümmel, Text-Book of Zoology for Secondary Schools, interdits par les autorités, rétrograde l'être humain comme Homo immoralis semisapiens, alors que les fourmis sont consacrées comme Formica sapiens diligens !
Ryner est assez brièvement mais très correctement présenté (je ne relève qu'une petite erreur : Le Communisme et la Liberté figure dans la liste des principaux ouvrages rynériens, alors qu'il s'agit d'une brochure rassemblant des réponses à une enquête, Ryner n'y étant qu'un contributeur parmi bien d'autres).
A la fin de sa préface, Natacha Vas-Deyres écrit :
Même si l'anthropormorphisme ou la dimension philosophique colorent les récits consacrés aux formidés [...], il n'en reste pas moins que les auteurs ont fait des efforts stylistiques considérables pour nous donner à voir le monde humain selon le point de vue et les sens de la fourmi, aidés par les essais entomologiques, même si cela reste dans l'absolu un exercice purement spéculatif.
J'approuve, et j'ajoute que Ryner a, selon ses dires, nourri son roman de l'observation méthodique de fourmillières près de Sisteron.
Si l'on peut regretter l'absence des délicieuses petites vignettes dessinées par Mérodack-Jeanneau qui ornaient l'édition originale, on se réjouit de la belle couverture de Greg Vezon et des petites fourmis qui nous font quitter le roman comme sur la pointe des pattes...
L'Arbre vengeur et Natacha Vas-Deyres nous livrent donc une jolie édition, plutôt "grand public" mais de belle facture, de l'un de plus remarquables romans de Ryner. Qu'ils en soient remerciés !
Présentation de l'éditeur
On ne se méfie pas assez des fées, surtout celles qui errent dans les landes désertes et ont tôt fait de vous transformer en fourmi si vous acceptez de les prendre au sérieux. C’est cette aventure hors du commun que le héros de ce livre, tout d’abord incrédule avant de céder à l’émerveillement, va vivre pendant une année. Projeté dans l’univers d’une fourmilière, il découvre la grandeur d’une espèce minuscule dont, revenu au triste monde des hommes, il peinera à traduire les beautés, les intelligences et les héroïsmes.
Sur un thème qui inspirera des auteurs plus ou moins fameux, Han Ryner le premier a imaginé une remarquable et passionnante plongée, vibrante de poésie. Il a surtout cherché « un prétexte à blâmer nos orgueils, à nous qui par les sens, sommes inférieurs à tant d’animaux, à nous qui souvent croyons tout savoir et dont l’intelligence très probablement doit errer magnifiquement parmi une foule d’erreurs insoupçonnées ».
Une leçon de littérature en même temps qu’une leçon de vie. Et un roman inoubliable.
Han Ryner, L'Homme-Fourmi, préface de Natacha Vas-Deyres, éditions de L'Arbre vengeur, , 2013, 272 p., 15 euros, ISBN : 979-10-91504-07-2.
On pourra lire des recensions de L'Homme-Fourmi sur le site du journal en ligne l'Opinion et sur ActuSF.
Natacha Vas-Deyres a aussi écrit un article sur Ryner, paru dans le n° 20 de Quinzinzinzili, la revue de la Société des Amis de Régis Messac : « Han Ryner ou la science-fiction merveilleuse ». Lequel article, datant pourtant de l'an dernier (fin 2012) m'avait échappé !