Textes et documents de, sur et autour de Han Ryner, écrivain et philosophe individualiste, pacifiste et libertaire.
Cette brève chronologie est parue dans le recueil d'articles Comment te bats-tu ? (Le Grognard n° 16)
7 décembre 1861 – naissance de Jacques Elie Henri Ambroise Mathieu Ernest Ner, d'un père receveur des Postes et d'une mère institutrice libre.
1867-1878 – scolarité erratique dans des établissements religieux du sud-est de la France. Le petit Ner semble un temps destiné à la prêtrise ou au monastère.
22 décembre 1878 – mort de sa mère, fauchée par un train en se rendant à la messe. Henri Ner perd définitivement la foi.
1879-1882 – rhétorique puis licence de philosophie à Aix-en-Provence. Tout premiers articles, dans le Libre Penseur d'Aix, sous le pseudonyme de Louise Carlan.
1882-1888 – professeur à Draguignan puis à Sisteron. Tentations politiques, bref passage dans la Franc-Maçonnerie, mariage avec Aimé-Anna Ferrary en 1885. Collaboration au Radical des Alpes.
1888-1890 – mutation à Gray, puis Bourgoin. Parution en 1889 d'un premier roman, Chair vaincue. Jean Aicard écrit dans la préface : « vous êtes l'un des plus inquiétants retourneurs d'idées et de mots que je connaisse ».
1890-1895 – professeur à Nogent-le-Rotrou. Assiste aux réunions du Félibrige de Paris, nombreux articles dans la presse félibréenne. Mort de sa fille Jeanne, âgée de sept ans, en
1892 – traumatisme important. Publie la même année un gros essai de sociologie politique, La Paix pour la Vie, en collaboration avec Emile Saint-Lanne. Fréquente brièvement Alphonse Daudet pour qui il traduit du provençal Vie d'enfant de Batisto Bonnet. Parution de quelques romans psychologiques, parfois proches d'un certain naturalisme.
1895 – nommé répétiteur à Paris au lycée Louis-le-Grand (ce sera plus tard le lycée Charlemagne). Année décisive : Ner se reconnaît « individualiste » (il parlera plus tard de sa « conversion », mais il s'agit sans doute davantage d'une cristallisation de tendances antérieures). Ecriture du Crime d'obéir, roman de formation d'un individualiste intransigeant, réfractaire total à la société, qui meurt en martyr.
1896-1898 – rédacteur en chef de Demain, feuille dreyfusarde. Collabore à La Plume, dans laquelle il publie à partir de 1897 Le Massacre des Amazones, féroce feuilleton de critique littéraire, interrompu abruptement l'année suivante et qui lui vaudra une « conspiration du silence » dans la presse. Adoption dans La Plume du 1er juillet 1898 du pseudonyme purement visuel Han Ryner.
1899 – écriture de L'Homme-Fourmi, fable qui marque un tournant dans l'œuvre : Ryner délaisse les romans « réalistes » pour la fiction philosophique et s'engage dans les champs plus ouverts du roman conjectural, du conte symbolique et de la recréation historico-biographique. Rencontre d'Alice Télot (en littérature Jacques Fréhel), et début d'un amour autant intellectuel que sentimental et physique.
1900-1910 – Ryner se dépouille progressivement de la part d'âpre agressivité qu'il portait depuis sa jeunesse, et investit la figure apaisée du sage antique. Nombreux travaux autour des philosophies antiques : cycle de conférences en Université Populaire autour d'une « Histoire de l'Individualisme » ; création d'un alter-ego, Psychodore le philosophe cynique, héros d'étranges contes symboliques ; écriture de fictions autour d'Epictète, Pythagore, Cléanthe, Jésus... ; synthèse de son éthique en deux brochures : le Petit manuel individualiste (1905) et Le Subjectivisme (1909). Collaboration à des périodiques très divers, de L'Ennemi du Peuple et des Hommes du Jour à La Phalange, en passant par Le Matin, L'Humanité, La Petite République, ainsi que des petites revues libertaires. Fréquentation de « L'Hexagramme », cercle ésotérico-artistique. « Les Loups », groupement de jeunes littérateurs fougueux, le prennent pour figure tutélaire.
1910-1914 – un jeune éditeur, Eugène Figuière, publie fin 1910 Le Cinquième évangile, remarquable réécriture de la vie de Jésus. Banquet pour la promotion de l'ouvrage. La « conspiration du silence » commence à s'estomper. En 1912, suite à un referendum organisé par L'Intransigeant, Ryner obtient, dans une ambiance houleuse, le titre de « Prince des Conteurs ». Il est qualifié d' « anarchiste intellectuel » dans une notice de police datée de 1911.
1914-1918 – splendide ironie : à la veille de la guerre, paraît Les Pacifiques, la plus étonnante des utopies anarchistes jamais écrites, car basée sur la plus extrême non-violence. Pendant le conflit, Ryner ne s'associe pas à l'union sacrée. Silence relatif – la censure veille, la répression du pacifisme est lourde. La contestation est portée à mots couverts dans de petites revues politico-littéraires. Collaboration à partir de 1916 à Ce qu'il faut dire de Sébastien Faure. Publication dans L'Humanité du feuilleton Les Mains de Dieu, qui contient entre les lignes un plaidoyer pacifiste.
5 janvier 1918 – Jacques Fréhel meurt d'une congestion pulmonaire.
1919-1922 – fondation en 1919 de la société des Amis de Han Ryner. Collaboration à Notre Voix, à la Revue de l'Epoque, au Journal du Peuple, aux causeries anticléricales de Lorulot. Ecriture, entre autres, des Véritables entretiens de Socrate. Campagne en 1921 pour la libération d'Armand.
1er janvier 1922 – Ryner prend sa retraite.
1922-1938 – Ryner et Louis Prat sont mis en relation par Palante – début d'une profonde amitié. Campagne en 1923 pour la libération de Gaston Rolland, pacifiste, déserteur et hébergeur de déserteurs. Nombreuses interventions à des procès d'objecteurs de conscience et autres victimes de la répression étatique (Leretour, Guillot, Hem Day et Léo Campion, Juvénis, Lazarevitch, Guezzi, Durutti, Makhno, etc., etc.). Participation aux travaux de la LICP (Ligue International des Combattants de la Paix). Collaboration à L'En-Dehors, au Néo-Naturien, à L'Idée Libre, au Semeur de Normandie, à La Rumeur, à La Patrie Humaine... Signe une vingtaine d'articles de l'Encyclopédie Anarchiste. Publication en 1928 de La Sagesse qui rit, première partie de son opus magnum éthique – la seconde, Le Rire du sage, paraîtra de manière posthume en 1959. Une partie de ses livres est traduite, notamment en espagnol. Mise en pratique de l'« amour plural » (conception moins rigide et sans doute plus délicate de l'amour libre que la « camaraderie amoureuse » à la Armand). Par ailleurs, paisible existence d'un retraité : au minimum un livre par an, une conférence par mois, l'été au vert dans les forêts environnant Paris.
6 janvier 1938 : mort de Han Ryner. Il est inhumé le 9 janvier au cimetière de Thiais.