A la fin du billet annonçant la sortie du n° 3 d'Amer, revue finissante, je signalai la parution imminente aux Ames d'Atala d'Histoires hétéroclites — inédites en volume — de Remy de Gourmont. Il semble que chez l'imprimeur le petit Jésus fasse de la concurrence au grand Remy, et que de ce fait il nous faille patienter encore un peu... On lira les détails sur le blog des bonnes Ames.
On peut cependant se consoler en commandant le dernier Scripsi, bulletin des Amateurs de Remy de Gourmont, constitué de la reproduction d'Une ville ressuscitée, l'une des « œuvres de jeunesse pour la jeunesse » signées Rémy de Gourmont, travaux de commande pour prix scolaires. En l'occurrence, une agréable vulgarisation des fouilles archéologiques de Pompéi. La reproduction en fac-similé est plaisamment introduite par Christian Buat. Comme d'habitude, c'est fait main et le tirage est limité — 40 exemplaires ! Pas de temps à perdre ! Pour commander, voir là-bas.
Parmi les innombrables richesses du site des Amateurs de Remy de Gourmont, on trouvera ici des réflexions de Jean-Marc Bernard autour de Vive le Roi ! et du Cinquième évangile parues dans Les Guêpes, petite revue littéraire de tendance monarchiste. Tout maurassien qu'il fût, J.-M. Bernard n'était pas dépourvu d'intelligence, et eut le mérite, en tout cas envers Ryner, d'éviter la hargne. Ryner lui répondit par un Soliloque dans une revue qui n'a pas été identifiée (texte republié dans CAHR n° 15). Et dans un numéro suivant des Guêpes, on pouvait lire, de Ryner, un dialogue entre « un cynique » et « un nouvel académicien », dialogue reproduit sur la même page du site des Amateurs. Il faudra que je revienne un jour sur cette histoire, qui doit sans doute impliquer le poète Fagus.
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On nous annonce la parution du n° 12 du Grognard, avec un sommaire toujours alléchant :
Goulven Le Brech / Tanguy Dohollau : À l’écoute du silence
Fabrice Marzuolo : Convoi Bondé (poème)
Mitchell Abidor : American rebels : Margaret Fuller
Jean-Baptiste Pedini : L’Homme canon (poème)
Bertrand Redonnet : Le Génie de Pascal
Éric Simon : Le Temps perdu des artistes et des travailleurs
Joaquim Hock : La Fuite des arbres
Stéphane Beau : Contingences 12 & 13
Kenneth White : Mathurin Méheut, peintre (poème)
François-Xavier d’Arbonneau : Sebastian Melmoth
Patrice Locmant : La Bataille d’Issus de Jean Brueghel (chronique d’art)
Goulven Le Brech, Pascale Arguedas, Jacques Lucchesi, Stéphane Beau : Du côté des livres.
On croit savoir que Le Grognard est à un tournant de sa carrière, qu'il va s'engager dans de nouvelles campagnes, sans doute changer de tenue, tout en en gardant (de la tenue) ! Mais patience...
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Pour rester parmi les collaborateurs du Grognard, je suis irrégulièrement mais toujours avec intérêt les travaux d'écriture de Bertrand Redonnet, de Stéphane Prat (que je remercie au passage de son intérêt pour Ryner) et de Thomas Vinau, dont l'œuvre poétique bâtie sur le minuscule me touche beaucoup.
On n'oubliera pas non plus le premier roman de Stéphane Beau, Le Coffret, dont j'ai parlé ici.
Notons que l'on peut retrouver Redonnet, Beau et Vinau sur le blog collectif Tempête dans un encrier, respectivement les mardis, jeudis et samedis.
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On sait que l'on doit à notre ami Goulven Le Brech la réédition des Contes pour les métaphysiciens de Louis Prat, ce « frère spirituel » de Han Ryner. Goulven est aussi le biographe de Jules Lequier, ami et « maître » de Renouvier, et précurseur de l'existentialisme. Il nous annonce maintenant la création de l'association des Amis de Jules Lequier, laquelle s'occupera notamment de l'élaboration de Cahiers Jules Lequier, publication annuelle dont la première livaison, en 2010, aura pour thème « La réception des fragments de Lequier pendant la première moitié du vingtième siècle ».
En attendant, le site de l'association a été ouvert à cette adresse : http://juleslequier.wordpress.com/. On y trouve déjà une bibliographie commentée des principaux écrits de ou sur Lequier, bibliographie en anglais réalisée par Donald Wayne Viney, spécialiste de Lequier (et de philosophie des religions — le Ryner écrivain du Cinquième évangile aurait été intéressé par son article sur « L'Humour de Jésus »).
Sinon, on peut adhérer à l'association pour 20 € par an, l'adhésion donnant droit au service du Cahier annuel. On va suivre tout cela avec intérêt, comme on suit le blog de Goulven, le très beau Oniromancies.
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Lors de la réédition du Père Diogène en 2007, le compte-rendu, pas forcément le plus enthousiaste, mais à mon avis le plus intéressant et le plus pénétrant, en avait été fait par Roger-Pol Droit dans Le Monde des Livres. J'en avais été un peu surpris, d'ailleurs, de la part de quelqu'un bénéficiant d'une assez importante visibilité médiatique (contre laquelle je garde un préjugé tenace). A bien y réfléchir, ce n'était pas forcément étonnant dans la mesure où R.-P. Droit s'intéresse semble-t-il depuis longtemps à la figure du sage, ce qui lui a permis de plutôt bien discerner les intentions de Ryner dans son roman.
Roger-Pol Droit a depuis assez peu de temps un site personnel : http://www.rpdroit.com/. J'y relève notamment, à propos de l'un de ses livres, paru en septembre dernier chez Plon et intitulé Les héros de la sagesse :
Pour les sages antiques : Bouddha, Socrate, Diogène, il s'agissait de transformer radicalement l'humain. Pour nous, le sage est en passe de devenir un élément de bien-être, produit cosmétique, bibelot pour paysage intérieur. Des sagesses allégées, lyophilisées, sous vide. Rien de répréhensible, mais on peut se demander si nous ne pouvons pas espérer autre chose.
On est bien d'accord ! D'où l'intérêt de Ryner, dont la sagesse revendiquait la volonté de « transformer radicalement l'humain », non l'humain en général, ou les êtres humains dans leur ensemble, mais le seul humain sur lequel il pouvait avoir de l'effet : lui-même. La seule espérance collective permise se limite alors au pari fou que les hasards de la durée puissent faire advenir suffisamment de ces volontés. Je crois que Ryner prit plus ou moins au sérieux ce pari à une certaine époque, après la guerre. Personnellement, je n'en suis pas capable, mais j'ai tendance à penser qu'il n'est pas complètement vain que des individus puissent prendre ce pari...
Autres livres qui peuvent être intéressants : les deux volumes de l'anthologie Philosophies d'ailleurs, sous la direction de Droit. Le premier tome est consacré aux pensées indiennes, chinoises et tibétaines ; le second aux pensées hébraïques, arabes, persannes et égyptiennes. Ce qui permet de sortir un peu du cadre occidentalo-centré de la philosophie telle qu'elle nous apparaît trop souvent. On remarquera quand même qu'une bonne partie de l'humanité, et qui pense !, reste oubliée : les amérindiens n'ont-ils jamais eu aucune philosophie ? et les aborigènes australiens ? et les inuits ? Les peuples sans écriture n'ont certes point couché de longues dissertations sur le papier, et pourtant l'on retrouve dans leurs mythes, leurs rites et leurs modes de pensée des questions qui ne sont rien tant que philosophiques. Lisez donc, par exemple, Hummocks (Terre Humaine, Plon) de Jean Malaurie, Par-delà nature et culture (NRF Gallimard) de Philippe Descola ou encore Les rêveurs du désert (Actes Sud) de Barbara Glowczewski !
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Côté anar, je signale la dernière livraison de l'excellente revue Réfractions, consacrée à « L'entraide, facteur de révolutions », qui fait le point sur ce concept plus ou moins passé dans le langage courant, mais qui est initialement dû à Kroptokine et désigne au départ une réalité biologique. L'occasion d'aborder la question des rapports, féconds ou dangereux, entre éthique, politique et science de l'évolution. Rappelons que l'on trouve dans La Paix pour la vie (1892), d'Henri Ner et Emile Saint-Lanne, certaines convergences avec les réflexions de Kropotkine
Quatre textes reviennent par ailleurs sur les désastreux événements du Contre-Sommet de l'OTAN à Strasbourg. J'ai particulièrement apprécié le texte très sincère de Guillaume Gamblin, intitulé « Un champ de bataille comme alternative à l'OTAN ? ».
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On vous recommande enfin le catalogue de l'Atelier de Création Libertaire avec, parmi bien d'autres bouquins, la traduction de L'Enquête sur la justice politique de William Godwin, tout un tas de titres de Murray Bookchin, le théoricien de l'« écologie sociale », le bel ouvrage de collages et de poésies d'André Bernard... L'ACL fête ses trente ans d'édition, et pour cette occasion, propose tous ses titres à moitié prix, franco de port, et cela jusqu'au 31 décembre 2009 — plus que dix jours pour en profiter !
On trouve aussi, hébergés par l'ACL, quelques blogs, notamment sur Alexandre Jacob, l'honnête cambrioleur, et sur Bakounine, ce grand monsieur que tout le monde connaît mais que personne n'a lu !
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Ne me reste plus qu'à vous souhaiter de bonnes fêtes ! et à vous chuchoter à l'oreille qu'on devrait avoir l'occasion en 2010 de retrouver Ryner dans les rayons des libraires... on a reparlera l'année prochaine.