Avant la réunion des Amis de Han Ryner le 27 avril prochain à Paris, un petit tour d'horizon des rééditions récentes... Théolib avait déjà réédité Le Cinquième évangile en 2009. Je n'ai pas le temps de faire un compte-rendu, d'autant que je ne possède pas encore la réédition des Paraboles cyniques. Je peux cependant assurer que la préface de Marie-France David de Palacio au Sphinx rouge est extrêmement intéressante, apportant des éléments réellement nouveaux à la compréhension de ce roman.
Les Paraboles Cyniques
Présentation de l'éditeur :
Un cynisme à visage humain...
Préfacées par Pierre-Yves Ruff et Marie-France David de Palacio, voici enfin rééditées les Paraboles cyniques de Han Ryner, l'un des auteurs les plus attachants de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
Publiées en 1913, ces textes d'inspiration plus stoïcienne que cynique, mettent en scène un sage, Psychodore, illustrant sa pensée en recourant au mode narratif. Et de fait, comme l'a bien souligné Marie-France David de Palacio, Han-Psychodore est avant tout un pédagogue, plus à l'aise dans l'illustration d'une idée que dans un univers purement fictionnel.
Nous retrouvons ici l'ensemble des thèmes chers à Ryner : l'individualisme libertaire, la recherche d'une force avant tout, intérieure, un regard sur le monde fait de détachement et d'une forme de tendresse, où l'on voit l'âme d'un poète.
Ce livre est le sixième de notre collection Liber***, dédiée à la littérature. Il s'ajoute aux deux autres ouvrages déjà réédités de Han Ryner, Le Cinquième évangile et Le Sphinx rouge.
Cette collection veut proposer à la lecture des ouvrages d'une veine spiritualiste, dans le sens le plus humaniste et le moins transcendant du terme. Les fictions de Liber*** ouvrent à la réflexion sur Soi, sur l'Autre ("cette altérité qui me précède et m'offre la possibilité de dire je", pour reprendre les mots de Pierre-Yves Ruff dans Au-delà de l'identité), et se caractérisent toutes par la qualité de leur style. Les écrivains à qui nous redonnons la parole manient une plume parfois acérée, toujours au service d'une spiritualité fondée sur l'homme et son ancrage terrestre. Les étoiles, comme l'écrit Barbusse dans son Jésus, ne sont-elles pas enracinées par terre ?...
Han Ryner, Les Paraboles cyniques, avant-propos de Marie-France David de Palacio et Pierre-Yves Ruff, Théolib, coll. Liber***, 2011, 202 p., 18 euros, ISBN 978-2-36500-058-1.
Le Sphinx rouge
Présentation de l'éditeur :
Ne retiens d'une "défaite" que le mot fête qu'elle contient
Sous-titré "roman individualiste", Le Sphinx rouge (1905) reprend le vieux débat de l'être et du paraître sous l'angle de l'antagonisme entre individu et société.
"La Société est une voleuse et une destructrice. Elle, qui n'est qu'apparence, limite et négation, elle est jalouse de l'individu parce qu'il EST, lui, et elle s'applique à le supprimer."
Le verbe, imprimé en grandes capitales, se charge d'une valeur véritablement ontologique, face à la "citadelle des préjugés". Au nombre de ces derniers, l'éducation (Sébastien de Ribiès, porte-porale de l'auteur, préfère à ce terme ceux de "contre-éducation" ou "INducation", opposant la dispersion au-dehors à la rentrée en soi-même) et la famille (la préface du recueil poétique de Ryner, significativement intitulé Les Chants du Divorce (1892), déclarait : "Il m'a paru que notre siècle, farouchement indvidualiste, pourrait bien, dans l'avenir, s'appeler le Siècle du Divorce, non pas seulement à cause de la loi Naquet, mais à cause de tous les efforts vers la liberté dont cette loi est, en quelque sorte, l'aboutissant et le symbole") apparaissent comme les plus pernicieux.
Les pages du roman égrènent les types sociaux les plus néfastes : le professeur, le prêtre, le magistrat, l'avocat, l'officier, le partron et jusqu'au boucher, "cet affreux assassin". Le roman prend volontiers la forme d'une utopie (quelque part sur les bords de la Durance : un vers du poème "Mon Rêve", dans les Chants du Divorce, semble préfigurer cet état : "Mon paradis serait dans un coin de Provence,/ Sur le bord de la mer", d'une "Arcadie misanthropique", dans laquelle le retrait, loin de la cité, attentif à la "statue intérieure" et à la nature, pourrait seul permettre de lire Virgile et de voir le Soleil.
Jean de Palacio
Han Ryner, Le Sphinx rouge, préface de Marie-France David de Palacio, Théolib, coll. Liber***, 2012, 176 p., 18 euros, ISBN 978-2-36500-050-5.