Une histoire de machines... Une autre histoire de machines ici et l'histoire d'un machin là.
Tandis qu'il écrivait L'Homme-Machine, La Mettrie eut un songe fort confus :
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Il suivait un enterrement. Il allait de l'un à l'autre demandant quelles obsèques on célébrait. Or tous répondaient :
— Je l'ignore. Je sais seulement que je dois être là et vous aussi.
M. de Voltaire ! Il aperçoit M. de Voltaire ! Celui-là sûrement sera renseigné.
M. de Voltaire regarde l'interrogant avec malice ou avec étonnement. Puis, comme si le nom demandé le fuyait :
— C'est, c'est, c'est...
Et enfin :
— C'est le fameux Machin.
— Qui ça, Machin ?
— Machin, vous savez bien, le mari de Machine et qui, quand il couche avec elle, fait souvent un petit Machin ou une petite Machine. Et ces machines-là ont la propriété de grandir.
Voltaire, ayant dit ces mots bizarres, s'évanouit dans un éclat de rire.
La cérémonie finie, La Mettrie, malade de curiosité, laisse la foule s'écouler et reste au cimetière. Dès qu'il est seul, il se précipite sur l'outil d'un fossoyeur, enlève la terre, brise le cercueil. Il voit, à l'intérieur, une horloge immobile et morte, mais que dévore un grouillement de montres.
— Je crois que je rêve — se dit le dormeur.
L'horloge se métamorphose. Voici un cadavre d'homme sur quoi pullulent les vers :
— Non, je suis bien éveillé.
La tombe aussi se transforme, devient un lit dans une chambre. Ouvertes, deux grosses montres mêlent leurs boîtes et s'agitent.
— Le mâle et la femelle, — pense le dormeur sans trop s'étonner.
L'accouplement achevé, de la montre femelle sort, dans un cri et couverte de sang, une montre minuscule.
— Enfantement absurde ! Je rêve encore.
Sur le lit, au lieu d'une montre, voici une femme, et qui gémit, et se tend, et se crispe. Bientôt un enfant jaillit entre les cuisses qui s'apaisent.
— Cette fois, je suis bien éveillé !
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Il n'était pas éveillé. Et peut-être ne le fut-il jamais.