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8 septembre 2007 6 08 /09 /septembre /2007 15:42

Les dix premiers chapitres
[I] [II] [III] [IV] [V] [VI] [VII] [VIII] [IX] [X]
et la couverture


VIII

Dans le chapitre précédent, je me suis abandonné à un élan d'enthousiasme qui, chez un autre, me choquerait. Je dois maintenant aux bons Français de rapides excuses et de rapides explications.

Des quarante naufragés, je suis celui - je le déclare glorieusement - qui résista le mieux à la séduction atlante. Nul ne resta plus fidèle aux coutumes civilisées. Détail significatif, je suis le seul qui, à aucun moment, ne renonça aux vêtements. Mais j'ai à faire, à côté de ces fières constatations, des aveux pénibles et utiles. La riche nouveauté des paysages, la succulence pénétrante des fruits, la royale beauté des fleurs, les mœurs mollement charmantes, la liberté absolue dont je jouissais parmi des libertés absolues, certains progrès matériels aussi dont je parlerai plus tard, m'ont parfois soulevé de joie et d'amour. Je ne ferais pas assez sentir le danger des utopies que rêvent quelques-uns de nos compatriotes si je ne disais toute la perverse séduction de l'utopie que j'ai vécue, toute la folie délicieuse qui envahit l'être dans un milieu comme l'Atlantide, ce paradoxe de cinq cent mille lieues carrées et de huit cents millions d'habitants. Ne suis-je pas forcé, d'ailleurs, pour exprimer une époque de ma vie, de reconstituer ma pensée de cette époque, de m'enivrer au souvenir des vieilles ivresses ? Il est probable que je pousserai d'autres exclamations enthousiastes. Le lecteur saura que ces échos joyeux résonnent dans mon présent en tristesses et en hontes. Il sentira que je confesse mes fautes. C'est pour mieux le renier que je dis ce passé sacrilège. Je suis revenu à la raison et aux nobles sentiments. O France, tu es ma mère et je t'aime, et je méprise comme une pauvreté toute richesse qui n'est point française. On ne choisit pas sa mère ou sa patrie ; on accepte avec tout son amour celles que la destinée vous donne. On ne les compare point aux autres mères et aux autres patries avec des yeux impies et impartiaux. Un bon patriote et un bon fils répètent, malgré toutes les choses vues, ces certitudes qui viennent de plus profond que les yeux : « Ma mère est la meilleure des mères ; ma France est la meilleure et la plus belle des patries. » D'ailleurs, la vie des Atlantes, considérée froidement, n'a rien de désirable. On comprendra, en me lisant, que la discipline sociale est le bien par excellence. Un être organisé comme nous, un esprit fait de traditions françaises et d'éducation française peut jouir de la liberté en de courtes vacances. Mais bientôt tout en lui proteste contre l'anarchie ; tout en lui réclame la joie enivrante de commander, la joie rassurante d'obéir. La liberté, rêve et plaisir des enfants ! Mais le vrai bonheur viril, c'est l'accomplissement d'un devoir social fixe et déterminé ; c'est le sentiment qu'on est, dans une machine compliquée, un rouage dont la place ne peut être changée et qui marche parce que d'autres rouages le font marcher et qui, dès qu'il marche, fait marcher aussi d'autres rouages. O solidarité nationale, tu es mon seul amour, et, quand je songe à toi, je suis, autant que Spinoza devant l'abîme de la substance, ivre de divinité.

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