Sur Livrenblog*, on a récemment pu découvrir un choix d'illustrations tirées de l'ouvrage paru en 1900 aux éditions de "La Maison d'Art" : Les Sciences Maudites, sous la direction de Jollivet-Castelot, Paul Ferniot et Paul-Redonnel.
Paul Redonnel et Henri Ner s'étaient connus à Paris vers le milieu des années 1890 dans les milieux méridionaux. Redonnel alors secrétaire de La Plume avait introduit Ner dans cette revue, où celui-ci publia son fameux feuilleton critique du Massacre des Amazones, dont la parution s'acheva abruptement sous la pression de certaines puissances littéraires à qui il avait déplu (si l'on en croit Ryner). Par la suite, c'est encore La Plume qui publia Le Crime d'obéir.
Le directeur de La Plume Léon Deschamps meurt en 1899. C'est Karl Boès qui lui succède, mais apparemment les divergences de vues avec Redonnel sont trop grandes. Ce dernier démissionne et fonde avec Paul Ferniot une nouvelle revue : Les Partisans, dans laquelle Ryner tiendra assidûment et d'abondance la rubrique littéraire des Proses. Une partie significative de Prostitués provient de ces articles. Le compte-rendu qu'on va lire n'a cependant pas été repris en volume. Il parut dans le numéro 2 du 20 novembre 1900.
Notons qu'une partie non négligeable des ouvrages critiqués par Ryner dans Les Partisans sont des productions de "La Maison d'Art" qui éditait cette revue ! Chose remarquable, Ryner ne verse pas forcément dans la critique de complaisance, comme on le verra ci-dessous (et comme on le verrait encore mieux dans pas mal d'autres compte-rendus écrits dans Les Partisans). L'appréciation sur la contribution de Paul-Redonnel est cependant fort élogieuse, et la question de savoir si l'admiration n'est pas quelque peu forcée par l'amitié reste à débattre...
Un mot sur Jollivet-Castelot. Il semble que Ryner et lui continuèrent longtemps à avoir de bons rapports. Notons que Ryner préfaça en 1914 une étude de Porte du Trait des Ages sur Jollivet-Castelot, ainsi qu'un ouvrage ou une brochure de Jollivet-Castelot lui-même sur L'Idée communiste (1922).
Enfin, au moins trois des artistes dont on peut voir les illustrations sur Livrenblog ne sont pas inconnus de nos services ainsi Paul Cirou qui caricatura Ryner en pourfendeur d'amazones (cf. ici) ; ainsi Edmond Rocher qui illustra la couverture du Soupçon ; ainsi Mérodack-Jeaneau dont on a parlé ici...
*...qui a eu la gentillesse d'annoncer les p'tites brochures du blog HR — Merci à lui, et au bien chouette blog des Ames d'Atala itou, pour la même raison !
Voici la première des « Monographies artistiques, littéraires et scientifiques » que nous promet la Maison d'art. C'est un bel in-8 avec couverture en couleurs et 183 illustrations, aquarelles ou dessins, les uns empruntés à de vieux livres introuvables, d'autres inédits et disant des talents bien vivants : tels Alexis Mérodack-Jeaneau, Louis Payret-Dortail, Léon Galland, Paul Cirou, Le Sidaner, Edmond Rocher. Mais ce n'est pas à moi qu'il appartient de dire la beauté extérieure du livre et combien les éditeurs peuvent en être fiers. Encore en dehors de ma compétence et de mon domaine, l'appréciation de la valeur scientifique de l'ouvrage. Je suis trop profane pour opiner raisonnablement sur des études intitulées : l'Occultisme contemporain en France, Magie et Sorcellerie, l'Astrologie, la Cabbale, l'Alchimie, Homunculus, la Médecine occulte, Dans l'Astral, Clairvoyance psychométrique, Causerie sur la Chiromancie, le Vingtième Siècle d'après les Prophéties, ou pour juger techniquement les célébrités de l'occultisme qui ont collaboré à cette monographie : Papus, le docteur Rozier, F.-Ch. Barlet, Jollivet-Castelot, Sédir, Phaneg et Mme de Thèbes.
J'avoue d'ailleurs que les livres d'occultisme ne piquent vraiment ma curiosité que par leur partie philosophique ou parce que tel écrivain peut apporter de personnel dans le vieux rêve. Désintéressé comme je le suis du côté objectif des connaissances humaines, incurieux même de la vérité, sauf pour sa valeur morale ou métaphysique, toujours prêt à admirer la beauté originale, mais toujours défendu contre ce qui, répété, imité ou sans vie de style, dit la nullité intérieure de l'auteur, on comprendra que plusieurs chapitres des Sciences maudites me laissent froid. Papus a une écriture usée de vulgarisateur vulgaire et sa clarté didactique est un mérite insuffisant à m'émouvoir. Expérimentateur positiviste et érudit crédule, incapable de rêve personnel et de poésie, il écrit ce français abominable des professeurs de médecine qui vient immédiatement au-dessous du fameux français de vache espagnole. — Barlet est un esprit plus large et plus pénétrant : il se montre capable de synthèses un peu personnelles et son accent quelquefois — trop rarement — est beau de gravité. — Je n'ai pas lu sans sympathie l'Ame de la Légende et du Poème d'Emile Michelet, mystique ému et lyrique. — Paul-Redonnel fixe les questions les plus éblouissantes sans que ses paupières clignent et il expose dans sa langue à la fois subtile et ferme de hautaines vérités sur la crédulité, la prière et le pacte. C'est une joie toujours nouvelle et toujours réconfortante de rencontrer Paul-Redonnel et son style grand d'Espagne. — Les Sciences maudites me réservaient en outre une révélation. J'ignorais jusqu'au nom de M. Édouard d'Hooghe. Il donne ici des articles d'une grande beauté philosophique et poétique. « Galilée — se demande-t-il, en rêvant à la puissance de la pensée — a-t-il découvert que le soleil est immobile au centre du monde on, comme Josué, l'a-t-il arrêté pour lancer à.son tour la terre dans l'espace ? » Toute sa prose est de la pensée vraiment vivante, de la clarté en mouvement. Je ne puis pas juger M. Édouard d'Hooghe sur quelques pages, mais il me paraît vraiment doué et, le jour où il publiera un livre, ce n'est pas sans espérance que j'ouvrirai le volume.
Paul-Redonnel et Édouard d'Hooghe m'ont ému parce qu'ils sont des êtres originaux, des activités dont le principe est intérieur. La plupart des autres sont des passivités qui répètent au lieu de parler : ils sont bons pour les écoliers qui s'intéressent aux choses enseignées. Moi, j'aime la voix humaine et je m'enfuis dès que les professeurs ou les phonographes commencent à la parodier.