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24 avril 2014 4 24 /04 /avril /2014 14:29

Dernière partie de l'ensemble de documents envoyés par Daniel Lérault au sujet de L'Homme-Fourmi.


M.-C. Poinsot, dans Le Rythme, 12 octobre 1912

L’Homme-Fourmi raconte l’amusante métamorphose du sieur Octave Péditant qui, pour un temps, se voit qualifié d’un étrange cerveau dont le lobe droit pense en fourmi et le lobe gauche en homme. On devine ce que cette donnée ingénieuse peut permettre de parallèles entre nos conceptions et celles de ce petit monde d’hyménoptères où vit le héros. C’est du Swift avec une philosophie plus subtile, et c’est du Maeterlinck de La Vie des Abeilles (1), avec plus de lumineuse fantaisie. C’est surtout un prétexte à blâmer nos orgueils, à nous qui, souvent, croyons tout savoir et dont l’intelligence très probablement doit errer magnifiquement parmi une foule d’erreurs insoupçonnées.

(1) La Vie des Abeille et L’Homme-Fourmi parurent le même jour.


Rachilde, dans Le Mercure de France, juillet 1901 

Je ne crois pas qu’on puisse m’accuser de beaucoup d’indulgence vis-à-vis de mes ennemis. Han Ryner m’a jadis massacrée, je ne sais plus trop dans quel journal (me prenant, sans doute, pour une fourmi-amazône), et si je ne lui garde pas rancune des quelques vérités jetées à ma face, je n’aime guère sa façon de critiquer, encore moins ses premiers romans ; mais ce livre-ci est tout à fait délicieux, il faut que je le dise bien haut ; j’ai la terreur qu’on le prenne parmi… les fourmis-amazônes, pour un puéril conte de fée, car il commence puérilement. C’est bel et bien un roman social, une étude de mœurs à la fois malicieuse et vraie, d’un esprit philosophique extrêmement captivant, et quel exquis roman d’amour !


Rosny aîné :

L’Homme-Fourmi de Han Ryner est aussi une fiction bien plus fantastique que les fictions de Kipling. Mais c’est un essai unique de psychologie animale. Han Ryner tente de débrouiller l’âme des fourmis en s’aidant du truchement de l’âme humaine. Il arrive ainsi à nous donner une impression véritablement originale de la mentalité collective, et ce que serait à peu près notre mentalité si nous pouvions, comme les fourmis, absorber tous nos penchants, nos instincts, nos volontés dans l’œuvre de la Communauté. J’ai admiré ce livre.


Paul Vigné d’Octon, dans La Revue anarchiste,

Je n’oublierai jamais la sorte d’heureux étonnement que j’éprouvai voici quelques semaines en lisant L’Homme-Fourmi que j’ignorai. C’était, dans ma solitude bénévole, où après une crise violente de paludisme, pour reposer mon cerveau encore ébranlé, je venais de relire à petites doses, quelques contes de Voltaire, m’attardant à Candide, le plus philosophique et aussi le plus amusant de tous.

Cette lecture m’avait induit à des réflexions sérieuses sur cette merveille de notre littérature que fut le conte philosophique au XIIIe siècle et surtout sous la plume du plus grand de nos prosateurs… Je regrettais que le siècle suivant eût quelque peu dédaigné ce genre pour lequel cependant semblaient bien faits le génie de notre prose, et de notre race, ainsi que le fond de notre tempérament.

Avec L’Homme-Fourmi, Han Ryner apportait une atténuation à ce regret.

Un peu de Candide et de certains autres héros, des petits chefs-d’œuvre voltairiens se reflétaient dans Octave Péditant, le mortel à qui la haute fantaisie de Ryner donne un cerveau mixte d’homme et de fourmi.

Pour bien comprendre toute la portée et toute la saveur de cette métamorphose, ainsi que le grand mérite qu’eut l’auteur à l’imaginer, il convient de posséder quelques notions sur la biologie et les mœurs de cet hyménoptère social, qu’est la fourmi, sans avoir lu à fond Huber, Forel, J. Lubbock, Buchner, il faut avoir présent à la mémoire ce que Darwin a écrit d’elle, à savoir « que son ganglion cérébroïde est la plus grande merveille que la Nature ait créée avec un peu de protoplasma ».

Alors seulement on comprendra avec quelle maestria Han Ryner a tiré de cet « os » précieux qu’était son sujet, toute la moelle philosophique qui y était contenue.

Jamais la superbe humaine ne reçut d’un philosophe leçon plus cruelle, sous une forme plus douce, plus amène et d’une aussi exquise et savante ironie.

D’un bout à l’autre de ce succulent petit livre, Han Ryner semble dire à l’homme : « Tu te crois le maître du monde, tu te dis le roi de la création parce que la substance grise de ton cerveau contient des trillions de « neurones », où les générations passées ont accumulé des images et des concepts ; eh bien ! compare ce que tu en as tiré et l’usage que tu en fais, avec ce que l’humble fourmi dont tu écrases chaque jour des tas à chacun de tes pas, sait faire avec un globule de substance nerveuse invisible à l’œil nu. Peut-être alors, ne seras-tu pas si fier ! »


Vincent Muselli et Florian Parmentier, extrait de la préface à l’édition par Les Belles Lectures, 1952

[…] C’est en 1901 que parut d’abord, à la Maison d’Art, L’Homme-Fourmi. Il fut réédité chez Figuière en 1913. Ces éditions sont entièrement épuisées aujourd’hui. Certains lecteurs furent quelque peu surpris que, dans ce roman symbolique, l’auteur attachât tant d’importance à l’exactitude scientifique, qu’il s’efforçât d’être autant – ou presque autant - qu’un conteur féerique, un véritable entomologiste. Certes le côté symbolique n’est aucunement négligé et, par exemple, la lutte entre deux fourmilières invite le lecteur à d’amères comparaisons… ! Mais si Han Ryner se montre si soucieux de l’exactitude scientifique, c’est que les sciences l’ont toujours sollicité. Et non seulement les sciences dites – on ne sait pourquoi – naturelles, mais aussi les sciences – on ne sait pourquoi non plus – dites exactes. J’emprunte encore à Florian Parmentier à qui il faut toujours recourir si l’on veut connaître Han Ryner :

« Pour pénétrer dans les arcanes de notre destinée, Han Ryner a commencé par côtoyer les abîmes de la tectologie, de la cosmologie, des dimensions de l’espace, de la coexistence des phénomènes. Deux chapitres, en particulier, des Voyages de Psychodore sont révélateurs de ses investigations : Les Sans Yeux et Les Dicéphales. Dans ce dernier, le double-génie révèle à Psychodore le secret de l’éternité. L’infini de l’espace nécessite l’infini du temps. L’instant présent est infini dans sa largeur, infini dans sa longueur, infini dans sa profondeur, et, par conséquent, ce qui se situe dans l’infini de ces trois dimensions, c’est-à-dire la totalité des choses, coexiste dans le présent, comme il coexiste, dans le passé et dans l’avenir, la succession « passé-présent-avenir » n’ayant de réalité que dans notre esprit.

Dans l’autre chapitre, celui des Sans-Yeux, conçu en 1902, Han Ryner devance Bergson et Einstein en démontrant que le temps, outre sa valeur quantitative, possède une valeur qualitative. Plus ou moins riche, plus ou moins intense, il accuse par là-même une relativité qu’Einstein ne découvrira qu’en 1915. »

« Quant à l’intuition bergsonienne, elle se trouve déjà en puissance dans la connaissance que prend Psychodore de la largeur et de la profondeur qu’implique, pour la durée et pour l’étendue, la simultanéité de nos actes. Et quant aux possibilités qu’engendre l’hypothèse d’une quatrième dimension, c’est une procréation infinie de dimensions que suggère le pluralisme spatial et temporel d’Han Ryner ».

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