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2 mars 2008 7 02 /03 /mars /2008 11:56

Lorsque je fis connaître à Pierre Michel, infatigable défenseur de la mémoire d'Octave Mirbeau, la création du blog HR, j'en profitai pour lui signaler l'existence de trois textes où Ryner porte un jugement sur Mirbeau :

— dans Le Massacre des Amazones (1899), une brève étude porte sur Alice Regnault, l'épouse d'Octave Mirbeau, lequel n'est pas tout à fait épargné ;

— dans Prostitués (1904), on retrouve sur Mirbeau un jugement féroce mais non dénué d'éloges, au détour d'une étude sur Gide ;

— enfin, une quinzaine d'années plus tard, à la mort de Mirbeau en 1917, Ryner lui consacre un bel article dans La Caravane, cette fois-ci sans coup de griffe, ce qui correspond sans doute à une double évolution : d'une part de son opinion à l'égard de l'écrivain, d'autre part de sa manière de faire de la critique littéraire.

Pierre Michel m'avait alors demandé si je pouvais préparer une présentation de ces trois textes pour parution dans les Cahiers Octave Mirbeau. Proposition que j'acceptai avec joie.

Dans la dernière livraison de ces Cahiers, on peut donc lire l'intégralité de l'article ainsi que les extraits de Prostitués et du Massacre, enrobés d'une prose plus ou moins digeste par laquelle j'essaie de les resituer dans leur contexte d'écriture.

Je tente d'esquisser en conclusion une comparaison entre les options de vie de ces deux auteurs libertaires et individualistes en réaction à quelque chose qui, chez l'un comme chez l'autre, ressemble bien à une profonde désespérance face à la laideur des temps :

Deux individualistes, deux réactions divergentes : Mirbeau boit la coupe jusqu’à la lie, fouille de sa plume la sanie humaine, décrit noires les horreurs, dresse en baroque furieux des personnalités chaotiques traversées de pulsions d’amour et de mort, puis cherche à se consoler au contact de belles choses, meubles, fleurs, tableaux et belles demeures ; Ryner mène une existence matérielle modeste mais poétise ses idées en figures de songes et, parce que malgré tout « il veut rester dans la réalité », se bâtit, au seul endroit qui lui appartienne vraiment, c’est-à-dire en lui-même, un clair refuge — forteresse stoïcienne entourée du jardin d’Épicure. Et tandis que Mirbeau oblige à contempler dans toute sa laideur la société qui broie l’individu, Ryner érige en héros le réfractaire, individu qui parvient, malgré la société, à se réaliser lui-même en œuvre d’art.

Pour être bien franc, je préfère l'art de vivre rynérien à celui de Mirbeau, d'une part parce que le luxe pour quelques-uns me semble engendrer la misère pour tous les autres (1), d'autre part parce que je crois que Ryner a globalement moins subi sa vie que Mirbeau.

Je reconnais que je n'ai pas mentionné l'une des consolations de Mirbeau — c'est Pierre Michel qui a attiré mon attention sur ce point —, à savoir l'amitié. Et de ce point de vue, on ne peut bien sûr plus opposer aussi simplement Ryner et Mirbeau...

Quant à l'art d'écrire, il n'est pas question pour moi d'avoir de préférence entre les œuvres de ces deux auteurs : toutes les deux sont l'expression de pensées très sincères qui s'expriment sous des formes très originales. J'ai pris grand plaisir à survoler bon nombre d'écrits de Mirbeau lorsque je préparais ma bafouille, et je me promets bien d'approfondir certains textes, notamment Dingo.

Ryner a fort apprécié Le Calvaire (1886), mais ne fait nulle part allusion à L'Abbé Jules (1888) ou à Sébastien Roch (18980). Il n'a probablement pas lu ces deux ouvrages. J'ai pourtant le sentiment — mais je n'ai absolument pas approfondi la chose — que ce sont dans ces livres que l'on trouverait le plus matière à comparaison entre Mirbeau et Ryner.

Je mettrai très bientôt en ligne le chapitre du Massacre des Amazones dans lequel se trouve l'étude sur Alice Regnault et où, coïncidence amusante, est également estourbie Dora Mélégari, qui prit le pseudonyme de Forsan pour se faire écrire des romans par des nègres, dont... Octave Mirbeau ! Mais ce ne sont pas les ouvrages de Forsan dont il est question dans le Massacre.

Quant à l'article des Cahiers Octave Mirbeau, je pense attendre un an et la publication du prochain Cahier pour le copier sur le blog. Je vous encourage bien entendu à vous procurer le numéro actuel de cette revue, fort beau volume de plus de 300 pages, nombreuses illustrations, et des contributions à foison  — notamment une étude de Nathalie Coutelet sur « Le Théâtre populaire de la “Coopération des idées” » (2). Le sommaire détaillé est lisible à cette adresse : http://membres.lycos.fr/octavemirbeau/actualite2008.htm, à partir de laquelle il est d'ailleurs possible d'accéder au bon de commande.

(1) ... malgré ce que disent les économistes libéraux, et d'autant plus à notre époque où l'on commence sérieusement à se rendre compte que nos appétits matériels virtuellement sans limite risquent de nous priver à plus ou moins long terme du strict nécessaire, du fait des limites de la nature (épuisement des ressources) et des réponses environnementales à la pression humaine (changement climatique).

(2) La "Coopération des idées" était une université populaire où Han Ryner fit pas mal de conférences entre 1904 et 1906 : La Philosophie d'Ibsen (le 17/01/1904, au lendemain d'une représentation de Maison de poupée), Rapport des morales et des sociologies (toujours en 1904), ainsi qu'un cycle de 7 conférences exposant son éthique (1904-1905) et un autre de 16 conférences ébauchant une Histoire de l'Individualisme (1905-1906). Cf. Face au public, disponible chez les Amis de Han Ryner.


Référence de l'article :
Clémence ARNOULT : « Deux écrivains libertaires : Han Ryner juge Octave Mirbeau - Autour de deux fragments et d'un article », Cahiers Octave Mirbeau n°15, mars 2008.

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