Une contribution courte — mais plutôt inattendue ! — à une Gazette Apicole, en décembre 1923. Comment Han Ryner a-t-il été amené à écrire cette petite bafouille, je n'en sais rien. Peut-être s'agit-il d'une réponse à une enquête, ou bien avait-il un apiculteur dans ses connaissances ? Montfavet est situé près d'Avignon.
Vivent les abeilles ! Celles de Montfavet, s'entend. Je sais des ruches au jardin du Luxembourg et j'ai vu « les chastes buveuses de rosée » se désaltérer à la pissotière. Si j'étais fabuliste, quel enseignement demanderais-je aux abeilles du Luxembourg et à leur soif d'ilotes ? Abeilles du Luxembourg, votre soif, si j'étais fabuliste, nous inviterait-elle à fuir la ville salisseuse ...
Abeilles, je suis pacifiste et je n'aime guère votre aiguillon, vos colères, vos âpres justices. Laborieuses, vous tuez les frelons qui ne travaillent point. Si j'étais fabuliste et bolchevick, quelle leçon demanderais-je à votre aiguillon et à la mort des frelons ?...
Je ne suis ni fabuliste ni bolchevick. Guerrier et bourreau m'apparaissent des criminels. Même quand la mort du coupable est juste, le meurtre est un geste odieux.
Abeilles qui tuez ; abeilles qui, au besoin, cherchez la « rosée » à la pissotière : valez-vous mieux que les hommes ?...
Vivent les abeilles, quand même, et vive l'humanité !
Han Ryner
Remarque : Une calomnie colportée contre les frelons en fait des fainéants voleurs du miel des abeilles — en réalité, il me semble bien que les frelons font eux-mêmes du miel. Ryner confond peut-être "frelons" et "faux bourdons", lesquels sont les mâles des abeilles qui, effectivement, n'ont d'autre activité que de tenter de féconder la reine, et sont chassés par les femelles quand ils n'ont plus d'utilité. Ne manquons pas une occasion de nous instruire — et enc*** les hymenoptères jusqu'au bout ! —, le "frelon" désigne aussi une petite protubérance présente dans la narine du faucon. Ça, c'est du vocabulaire spécifique !