Cette lettre de Jean de Gourmont, frère de l'écrivain Remy de Gourmont, fut envoyée à la suite de la publication dans la revue "L'Idée Libre" d'une longue étude de Ryner sur Remy. Pour lire cette étude et en savoir un peu plus sur les rapports Gourmont/Ryner, consulter cette page.
L'étude datant de juin 1923, cela situe la lettre, qui fut publiée au n°78 (p.7) des CAHR.
Paris, 31, rue des Saints-Pères
Mon cher Han Ryner, j'ai été touché de cette étude que vous venez d'écrire sur Remy dans "l'Idée libre" ; vous y manifestez une si belle et si lucide compréhension et intuition de son oeuvre, que vous me la révélez un peu mieux encore à moi qui ai vécu vingt ans dans "son atmosphère".
Si la vie nous permettait encore le loisir de dialogues platoniciens, j'aurais plaisir et profit à discuter avec vous quelques idées ; mais maintenant il n'y a plus que le livre qui groupe l'élite intellectuelle autour des philosophes lointains et inaccessibles. Ou bien les disciples sont trop et ne sont plus que des déformations vulgarisatrices où la pensée des maîtres se dissout.
...Pourtant la Solitude, même chez les plus grands, n'est qu'un onanisme intellectuel. Il faut se donner et se répandre, parce que c'est, en art comme en amour, en se donnant que l'on prend et que l'on s'enrichit.
Merci encore de vos pages si justes de ton sur Remy, et croyez-moi bien sympathique vôtre.
Jean de Gourmont
La remarque de Jean de Gourmont sur les "disciples" et leurs "déformations vulgarisatrices où la pensée des maîtres se dissout" rejoint bien des préoccupations de Ryner !