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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 18:24

Le sage n'agira-t il donc jamais sur la société ?

Le sage sait qu'on ne détruit ni l'injustice sociale ni l'eau de la mer. Mais il s'efforce de sauver un opprimé d'une injustice particulière, comme il se jette à l'eau pour sauver un noyé.

Han Ryner, dans le chapitre IV du Petit manuel individualiste

Et rebelote ! La citation pourrait servir tous les jours.

*

Etant un abruti d'idéaliste non-violent, les méthodes "insurrectionnalistes" ne m'enthousiasment guère. Il me semble qu'il y a autre chose à faire que de dépenser autant d'énergie à faire la fortune des vitriers. Je ne vais pas non plus pleurer sur des vitrines de banque brisées et des distributeurs de billets cassés. L'action est assurément politique (les cibles ne sont pas choisies au hasard), mais l'immense majorité des gens n'a pas les clés de lecture de ce spectacle, et se contente donc d'y voir une bande d'excités affolés de destruction. Je ne parle même pas de l'opportunité de ce genre de représentation en plein milieu d'une foule de badauds venus avec leurs mômes pour assister à un genre de théâtre de rue bien plus paisible.

Un happening de ce tonneau a donc eu lieu il y a une semaine à Poitiers, avec le succès que l'on sait. Grand succès en tout cas pour le ministère de l'Intérieur, qui n'aurait pu rêver mieux pour faire passer comme une lettre à la Poste (bientôt privatisée) deux nouveaux fichiers orwelliens.

En revanche, pour les libertaires locaux, c'est une belle catastrophe. Si les dégâts matériels causés à quelques multinationales sont sans doute réparés depuis pas mal de temps, les copains du coin n'ont pas fini de morfler.

La police n'ayant pas pu empêcher la casse (et je ne vois pas bien comment elle aurait pu faire autrement — à l'impossible nul n'est tenu) a cru laver son honneur en se montrant assez peu courtoise lors de la perquisition le soir même d'un lieu culturel alternatif. Par "assez peu courtoise", entendez "coups de tonfas, destructions de matériel de sonorisation et humiliations". Est-il besoin de préciser qu'il n'y avait aucune raison pour que les personnes se trouvant dans cette salle soient précisément les mêmes que celles qui avaient joué aux brise-glace plus tôt dans la journée ?

Aux gens de guerre, il faut une revanche : des boucs émissaires furent trouvés promptement. Et dès le surlendemain (le temps d'attendrir le mental, sinon la viande), huit personnes passaient en comparution immédiate, alors que certain contempteur d'auvergnats appelait de ses vœux des "sanctions dures" — remarquez bien qu'il était question de dureté, pas de justice.

On ne peut désavouer un ministre, même s'il n'est pas votre ministre, et en toute bonne logique, tout le monde a été condamné rapido. A du sursis cependant, sauf pour trois qui, comme n'ont pas manqué de le souligner avec délectation certaines bonnes âmes pleureuses de vitrines, ont la joie de découvrir de l'intérieur les charmes de la toute nouvelle prison de Vivonnes, près Poitiers. Pendant un mois pour deux jeunes gens, et quatre pour un monsieur sans domicile fixe (si j'ai bien compris) d'une cinquantaine d'années.

Je crois que le fait qu'ils soient coupables ou innocents a été de peu d'importance pour le tribunal, qui cherchait avant tout à faire un exemple, de la manière la plus expéditive possible, tout en satisfaisant le besoin de vengeance que des policiers (et des ministres !) ont pu ressentir. Toute condamnation par l'appareil judiciaire est une injustice disproportionnée (mais nécessaire ?) dans la mesure où elle fait peser sur un seul individu le poids de la société entière. Mais être condamné pour un acte que l'on n'a pas commis est l'une des plus prodigieuses abominations que puissent secréter nos sociétés. Or il semble bien que tel soit le cas pour au moins une partie des personnes condamnées à Poitiers, dont le seul crime semble bien d'appartenir à la mouvance libertaire. Encore une fois l'Etat joue le jeu de la terreur.

Il va de soi que ces boucs émissaires ont besoin du soutien de tous ceux et celles qui préfèrent encore les gens aux choses. On trouvera ci-dessous des liens permettant de concrétiser ce soutien. Celui-ci est d'autant plus nécessaire que le Parquet a fait appel, considérant que les peines n'étaient pas assez dures !

*

Pour les faits, je vous conseille notamment deux blogs locaux non militants, mais de bonne foi : Coccinelle et Pourquoi pas Poitiers. On y trouvera le récit des événements et des liens vers d'autres sites d'actualités locales. On pourra comparer avec le récit très orienté et outrancier qu'en ont fait les grands médias ("émeute", "ultra-violence" et autres termes grandiloquents). Voir aussi le blog du collectif contre la prison de Vivonnes.

Pour avoir un aperçu des débats qui ont suivi ces événements au sein de la mouvance libertaire, on peut par exemple aller faire un tour sur le Forum anarchiste. On y trouvera au fil de la discussion des réflexions diverses et généralement nuancées, ainsi que les communiqués militants.

Un blog de soutien, non militant, se trouve à cette adresse : http://soutiensametjeansalvy.over-blog.org/. Initié par la famille et les ami-e-s des deux étudiants emprisonnés, il étend désormais son soutien (encore heureux !) au quinquagénaire. Il est intéressant de constater qu'une manifestation de soutien pourtant absolument calme et pacifique a failli mal se terminer du fait, semble-t-il, de l'extrême sensibilité de certains gradés des forces de l'ordre. Il est peut-être utile que les gens ordinaires (ceux qui ne sont ni des marginaux, ni de "sales gauchisses") constatent ce genre de détails qui ne cadrent pas vraiment avec l'idée qu'ils se font d'un pays censé garantir les libertés d'opinion et d'expression. A consulter également le blog du comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux. Enfin une caisse de soutien plus militante est mise en place par des libertaires locaux, voir ici.

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