Ryner préparait ses conférences en improvisant à partir d'un plan — et de notes plus détaillées si besoin était, mais il ne lisait jamais un discours écrit à l'avance. C'est l'un de ces brouillons de conférence que l'on va lire ci-après. Il a été publié dans le numéro 162 des CAHR.
Il s'agit d'une conférence consacrée à la poétesse Cécile Sauvage, que Ryner a manifestement appuyé dans ses débuts, en témoigne une lettre de Cécile Sauvage à Han Ryner lisible ici. Je ne sais pas quand a eu lieu la conférence. Si j'en crois le catalogue de la BNF, les recueils évoqués — L'âme en bourgeon et Primevère — ne seraient parus qu'en 1929, c'est-à-dire de manière posthume, puisque l'auteure est décédée en 1927. Le ton de la causerie ("L'âme en bourgeon bravo.") semble pourtant plaider pour une conférence de soutien plutôt que d'évocation.
Par ailleurs, et si j'ai bien compris, les poèmes de L'âme en bourgeon furent écrits en 1908, alors que Cécile Sauvage, mariée à Pierre Messiaen, était enceinte du futur compositeur Olivier Messiaen dont on fête le centenaire cette année.
Je ne sais pas de quels poèmes précisément viennent les courts extraits relevés par Han Ryner. Il faudra que je me procure les Oeuvres complètes de Cécile Sauvage, édités en 2002 à la Table Ronde. En attendant, j'irai faire un tour à cette adresse qui propose pas mal de textes. [Le 20/02/2008 : l'excellent SPiRitus éclaire notre lanterne concernant une grande partie des citations. Je vous renvoie aux commentaires qu'il a postés à la suite du billet. Grand merci à lui !]
Remarque : Je tente tant bien que mal de reproduire les espacements tel qu'ils apparaissent dans les Cahiers.
Exorde.— L'âme en bourgeon bravo. Sentiment commun
I.— Tout ce qu'il faut de personnalité profonde pour dire,
de façon à ne point faire sentiments communs ou voisins
Ce n'est pas la joie maternelle
C'est la joie pré-maternelle
Et cette joie de l'enfantem(ent) que vante l'Evangile, ici est douleur, délaissement.
Et la méditation sur l'enfant qui n'est plus « tout à moi ».
qui sera tout à la mort
« et ta tête de mort c'est moi qui l'ai sculptée »
II.— Primevère.— L'amour y est aussi original que la maternité
Ce n'est pas la passion débordée et romantique
Ce n'est pas la passion soutenue
C'est la passion vêtue d'un manteau d'azur et de tendresse.
Parfois d'un aveu qui s'élance
J'ai crié combien j'étais lasse
Puis j'ai senti que le silence
Avait plus de poids dans l'espace
Je suis autour de toi comme l'amande verte
Qui ferme son écrin sur l'amandou laiteux
Comme la cosse molle aux replis cotonneux
Dont la graine enfantine et soyeuse est couverte
« Tu ne sauras plus rien de moi le jour fatal où tu t'élanceras dans l'existence rude
Je suis la ruche sans parole
Dont l'essaim est parti dans l'air
Vois-tu, je suis vide et suis soûle
Comme une jonque sans rameurs
Il est né, j'ai perdu mon jeune bien-aimé.